Des légendes !

France's players lift the World Cup trophy after winning the Russia 2018 World Cup final football match between France and Croatia at the Luzhniki Stadium in Moscow on July 15, 2018. France won the World Cup for the second time in their history after beating Croatia 4-2 in the final in Moscow's Luzhniki Stadium on July 15. / AFP PHOTO / Jewel SAMAD / RESTRICTED TO EDITORIAL USE - NO MOBILE PUSH ALERTS/DOWNLOADS

Historique. L’équipe de France a remporté dimanche la Coupe du monde en dominant la Croatie en finale d’une compétition exceptionnelle. Sur « le toit du monde »,elle a servi une deuxième étoile et un bonheur sans égal à toute la nation. Retour sur le sacre des Bleus.

Quatre-vingt-quinze très longues minutes. Et puis l’apothéose… Des larmes, des sourires, une joie immense et, enfin, dans ce moment de grâce, le trophée en or entre les mains, les Bleus sont entrés dans l’histoire. Ni l’orage, ni la pluie battante n’auront empêché les Français de savourer pleinement leur victoire au stade Loujniki. Qu’ils soient joueurs, membres du staff, supporters ou président de la République. Dans une Russie polissée, face à des Croates bien plus nombreux et attristés, chacun s’est laissé aller. Les 23 sont restés eux-mêmes, jeunes, bruyants, turbulents, exaltés, charismatiques. La soirée fut dantesque, arrosée jusqu’en salle de presse, et privilège de notre époque, partagée en masse sur les réseaux sociaux.

Au même moment, les Français aux quatre coins du monde, exultaient, eux aussi. Folie furieuse à Paris et dans toutes les villes de Métropole, d’outre-mer, ainsi qu’à l’étranger. Les plus anciens ont un peu revécu 98, les plus jeunes ont découvert ce sentiment assez unique de remporter la plus « grande » compétition du monde. Des stations de métro ont été renommées à l’effigie de cette équipe et les artistes Jay Z et Beyoncé ont arboré les deux étoiles au Stade de France. Après leur sacre en Russie, les Bleus ont été honorés à Paris. À Roissy, sur les Champs, au palais de l’Élysée. La France a répondu présent oubliant tout, l’espace de quelques heures.

Un parcours pragmatique

Qui aurait prédit un tel scénario quelques semaines auparavant pour l’équipe de France ? La deuxième étoile ne sonnait pas forcément comme une évidence ; malgré un statut de sérieux outsider au regard de son potentiel notamment offensif. À la maison, on disait surtout les joueurs trop jeunes et inexpérimentés : 14 des sélectionnés n’avaient jamais disputé de Coupe du monde. Comme à l’accoutumée, le sélectionneur en a pris plein la figure sur ses choix tactiques, en l’occurrence son style, jugé trop terne et conservateur, plaçant le groupe « au-dessus de tout ». On ne comprenait pas le maintien de Giroud, l’importance donnée à Pogba. On a ressorti Benzema… Concrètement, la France disait viser le dernier carré et on la jugeait alors un peu ambitieuse. Le début de la compétition n’a rien amélioré. Les Bleus nous ont effrayés, ennuyés. Contre l’Australie, le Pérou et le Danemark, le pire des matchs. Mais on s’est qualifié !

Si certains joueurs parlent d’un déclic face au Pérou, sur le terrain le vent a vraiment tourné face à l’Argentine, le 30 juin. Après un penalty signé Griezmann et provoqué par un Mbappé se révélant aux yeux du monde, les Bleus sont menés pour la première fois du tournoi après deux buts de Di Maria et Mercado. Mais Kanté musèle Messi, Pavard égalise avec une superbe reprise… avant un doublé de Mbappé. Le plus beau des matchs. On retient ensuite du quart, face à l’Uruguay, la très belle parade de Lloris (il y en aura d’autres), la tête de Varane. Cela nous convient, mais le match est entaché par une échauffourée entre les équipes suite à un « grigri » de Mbappé. La France commence à énerver à l’étranger. La demi-finale, face à la Belgique, confirme à la fois cette défiance à l’égard des Bleus à l’extérieur et la confiance des Français en la force inébranlable du groupe : ils subissent, le dos rond, font, certes, un peu traîner le match à la fin, face à la superbe génération Hazard qui dira avoir perdu contre « une équipe qui ne joue à rien ». Mais on est en finale n’est-ce pas ? Et qui l’eu cru !

Le 15 juillet, jour de gloire, « match d’une vie » pour eux, est une folle finale à six buts. Les Bleus n’ont presque jamais dominé la rencontre, mais ont su, encore une fois, la renverser à chaque occasion, à chaque erreur des autres ou grâce à un coup de pouce de la Var, l’arbitrage vidéo. Ce qui reste de tout cela ? Nous voilà champions du monde pour quatre ans. Avec un superbe groupe.

 AFP PHOTO / Alexander NEMENOV 

Les ingrédients

Finalement, ce qui inquiétait est devenu la force de cette équipe de France, menée d’une main de fer dans un gant de velours par Didier Deschamps. Mis à part les tâtonnements du début « DD », qui « déteste perdre », nous a-t-on répété mille fois, savait où il voulait aller. Il a ajusté son onze type, a maintenu Giroud qui s’est avéré utile sans pour autant être décisif, a gardé et réussi à gérer « le cas Pogba » en le positionnant au service du groupe, il a laissé briller jusqu’à la fin ses jeunes recrues, comme Pavard et Hernandez à la place de Sidibé et Mendy, pas à 100 % en début de Coupe.

Deschamps a façonné une vraie équipe pragmatique, collective, au mental en béton, au physique exceptionnel, une équipe déroutante même par autant de solidité, de calme désinvolte et d’assurance. C’était comme s’il ne pouvait rien leur arriver ! Il a fait taire les ego et l’importance du groupe, de l’entente sur le terrain et sur les bancs, s’est révélée essentielle. Deschamps a adapté le jeu à chaque adversaire. Ils ont appliqué sans broncher, ont semblé respecter ses choix à chaque instant. Et le style défensif, si décrié, consistant à défendre bas pour mieux contre-attaquer, le « réalisme » tantôt « à l’italienne » tantôt « de la vieille RFA ! », froid, calculateur et efficace, a porté ses fruits, n’en déplaise à nos critiques.

Car tout n’était pas inscrit sur le papier. Irrationnel était, par exemple, l’incroyable but de Pavard. Inattendus également les buts de Umtiti et Varane. Et puis on saluera le sang- froid monstre de Griezmann, les étincelles de Mbappé, les prestations incroyables de Kanté, la solidité de Lloris…

Au final, ON a la Coupe !

On parle aussi beaucoup, non sans humour, de cette fameuse ch… ance à DD. La chance d’avoir un extraordinaire Kylian Mbappé, né en 1998, trop fort pour la case Espoirs, aujourd’hui élu meilleur jeune du Mondial. La chance que l’Italie ait raté sa qualification, que la poule soit abordable, que sortent l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, le Brésil. La France aussi est la seule à avoir bénéficié de deux buts contre son camp. Elle a par ailleurs bénéficié de deux penaltys grâce à la Var, dont le premier de l’histoire ! Elle a joué contre une équipe d’Argentine moyenne, une équipe d’Uruguay sans Cavani. Mais c’est le jeu.

Rappelons, au besoin, que cette équipe n’a pas perdu un seul de ses sept matchs (un nul). Elle n’a été menée au score que neuf minutes. Elle n’a pas connu de prolongation. Elle a marqué 14 buts (deux de moins que la Belgique, en tête), en a pris six. Griezmann est classé deuxième réalisateur derrière Kane, avec quatre buts et trois passes décisives, mieux qu’aucun Bleu sur une édition depuis 50 ans. Aucune équipe n’avait marqué quatre buts en finale depuis le Brésil de Pelé, en 70. À 19 ans, Mbappé est devenu le plus jeune joueur à inscrire un doublé en Coupe du monde. Quant à Ngolo Kante, il est le Français qui a récupéré le plus de ballons dans une Coupe du monde (52).

Alors, certes, cette équipe a parfois gagné en tenant peu la balle (34,2 % de possession en finale !), mais la finalité du foot est bien de marquer et de gagner. Et c’est ce que les Bleus ont fait. Avec talent et génie. Des champions du monde !


Deschamps dans l’histoire

Didier Deschamps est le troisième à remporter la Coupe du monde en tant que joueur et entraîneur, après Zagallo et Beckenbauer. Il est le premier entraîneur de l’histoire de l’équipe de France à atteindre la finale de deux tournois majeurs (Euro 2016 et Coupe du monde 2018). Il affiche un ratio de 75 % de victoires en tant qu’entraîneur en Coupe du monde (9/12), un record parmi les sélectionneurs ayant dirigé plus de 10 rencontres dans la compétition.


Jeunesse

Avec 26 ans de moyenne d’âge, l’équipe de France est la plus jeune équipe championne du monde, après celle du Brésil de 70. À 19 ans, Mbappé est devenu le plus jeune joueur à inscrire un doublé en Coupe du monde, le plus jeune buteur en finale depuis Pelé. Cette jeunesse est de bon augure pour la suite… En 2022, Mbappé aura 23 ans, Varane 29, Hernandez 26, Umtiti 28, Kanté et Griezmann 31, Pogba 29…


Mercato

La victoire va booster la cote de popularité des joueurs français en plein mercato. À commencer par N’Golo Kante. Le milieu de terrain de Chelsea attise les convoitises de tous les grands clubs européens dont le Paris Saint-Germain et le Real Madrid. Paul Pogba, en difficulté à Manchester, pourrait aussi être récupéré. Benjamin Pavard aurait tapé dans l’œil du Bayern de Munich pour 2019. Florien Thauvin intéresse plusieurs clubs espagnols et Steven Nzonzi, Arsenal. Thomas Lemar est déjà passé de Monaco à l’Atletico Madrid. Ça ne bougera pas en revanche pour Matuidi (Juvintus de Turin), Mbappé (PSG) ou encore Antoine Griezmann et Lucas Hernandez (Atletico Madrid)…

C.M. ©AFP