Délinquance : « l’État se donne les moyens pour agir », mais…

Au sortir de l’état-major de sécurité, le haut-commissaire, Thierry Lataste, les représentants des services de gendarmerie, de police et de la justice ont présenté les chiffres de la délinquance pour les neuf premiers mois de l’année. Si certains résultats sont « plutôt encourageants », d’autres restent très préoccupants, et il apparaît que, pour aller plus loin, une plus grande implication des autorités locales serait la bienvenue…

Même s’il ne s’agit pas d’être dans « l’autosatisfaction » et que ce n’est « pas forcément la perception du public », l’implication des forces de police et de gendarmerie a été visible et a produit des effets significatifs cette année. L’ensemble des renforts, promis lors du dernier Comité des signataires, est arrivé, a confirmé Thierry Lataste, ce qui porte les effectifs actuels à 858 gendarmes et 356 policiers soit un ratio de 4,5 hommes/femmes par millier d’habitants, la moyenne française étant à 3,7 pour 1 000 (+21 % chez nous).

Le rapprochement entre gendarmes et policiers nationaux, qui ont travaillé avec l’appui des polices municipales, et de nouveaux dispositifs ont montré leur utilité. Et les taux d’élucidation des affaires sont bons,  supérieurs à ceux de Métropole (61 % gendarmerie, 49 % police).

Vols et cambriolages en baisse

Un an après la mise en œuvre du plan de lutte contre les cambriolages et les vols liés aux véhicules, les résultats sont là. Les cambriolages ont baissé de 2,24 % avec une baisse plus marquée pour les cambriolages de logements de 19,44 %. Les vols de véhicules sont en baisse de 2,62 % et, globalement, l’ensemble des atteintes aux biens est en recul de 1,85 %.

Le renforcement des mesures de prévention comme l’opération Tranquillité vacances (en place toute l’année) et le développement du dispositif de participation citoyenne (Dumbéa, Magenta prochainement) semblent porter leurs fruits.

Pour le procureur de la République, néanmoins, il serait possible de faire mieux sur les vols en commençant par changer certaines habitudes. « Il faut que les Calédoniens cessent de rêver en s’imaginant qu’ils pourront garder les modes de vie d’antan en laissant postes, fenêtres et voitures ouvertes. » De nombreux faits, dit Alexis Bouroz, sont commis dans de telles situations par des personnes qui renonceraient s’il y avait une résistance. « On ne gagnera pas la guerre seuls », a-t-il prévenu.

En ce qui concerne les professionnels, les collectivités et les établissements publics, les forces de sécurité ont engagé des actions de conseil et de diagnostic avec un spécialiste.

Les points noirs : les routes…

En matière de sécurité routière, en revanche, il n’y a pas matière à se réjouir. La Calédonie connaît une mortalité routière 3,6 fois plus élevée que la moyenne nationale. Et le constat est toujours plus alarmant avec déjà 42 morts en 2017 contre 38 à la même période en 2016, soit une hausse de plus de 10 %. L’alcool est en cause dans 91 % des cas. Dans 81,6 % des cas la ceinture de sécurité n’était pas attachée et dans 68,6 % la vitesse était excessive. Seul réconfort, la baisse du nombre de blessés.

Pourtant, les forces de l’ordre ont été plus mobilisées que jamais : la répression a représenté plus de 12 % de l’activité de la gendarmerie, soit 40 424 heures. En zone police, à Nouméa, 2 478 contrôles ont été effectués, c’est plus de 70 opérations par semaine. Mais 27 519 infractions au Code de la route ont été relevées et 523 rétentions de permis effectuées. La Calédonie reste tristement championne en la matière.

Au final, a dit Thierry Lataste, « la répression n’arrive pas à peser sur les comportements ». Mais les marges de progression existent. Les opérations du week-end vont s’intensifier et l’État entend peser pour que les autorités locales prennent des mesures qui ont fonctionné ailleurs, comme le permis à points, un travail sur les limitations de vitesse, ou le conducteur responsable. L’uniformisation des plaques pour rendre opérationnels les radars automatiques est en cours même si cela « prend du temps ». Le territoire manque par ailleurs de fourrières et des textes « plus incisifs » sur cette question ne seraient pas négligeables.

… les violences physiques et la question des mineurs

Autre sujet d’insatisfaction, et le mot est faible, la hausse des violences physiques. Les coups et les blessures volontaires sont en hausse de 7,21 %, et deux fois plus élevés qu’en Métropole. Il s’agit principalement de violences intrafamiliales et elles sont à 80 % destinées aux femmes.

Le procureur de la République évoque des faits épouvantables, et de plus en plus graves. « On parle de coups de poing, de coups de pied dans la tête, de sabres d’abattis que l’on fait chauffer et que l’on place sur le corps des victimes. Ce sont des choses effrayantes. Et il n’y pas ou peu de dénonciations qui émanent de la famille ou des voisins. » Alexis Bouroz d’insister sur l’insuffisance très nette des structures d’accueil pour les victimes, voire les hommes violents, qui sont du ressort local.

Le désarroi est le même pour la justice en ce qui concerne les mineurs mis en cause (+6,3 %). Ils sont notamment impliqués dans un cambriolage sur deux, ont fait l’objet de plus de 40 % de garde à vue, remplissent les foyers et la totalité des places dans le quartier qui leur est dédié au Camp-Est (18 places).

« Il y a un sentiment de désespérance chez ces jeunes pour lesquels on n’a rien à offrir, s’est insurgé Alexis Bouroz. À l’extérieur du Grand Nouméa, ils ont tout simplement de grandes difficultés à accéder à un médecin, un médecin addictologue et le turn-over dans les dispensaires est préoccupant pour le suivi. Nous n’avons pas d’établissement qui permettrait la prise en charge psychologique ou psychiatrique. Et il faut mieux protéger l’enfance et la petite enfance, on est encore loin des standards. »

Renforcement des moyens et zoom sur le Nord

Pour continuer sur sa lancée et prévenir la délinquance en général, l’État entend renforcer les opérations anti-délinquance coordonnées. Il sera aussi question au prochain Comité des signataires du renforcement des moyens pour la province Nord et en particulier de Koné. Des moyens qui font actuellement défaut, comme une brigade motorisée. Dans les îles et l’intérieur il s’agira de « territorialiser » les postes pour avoir davantage de permanents (plutôt que des mobiles) dans les petites unités.

Une brigade canine est envisagée à Nouméa pour faire face aux violences urbaines de grande ampleur ou particulièrement dangereuses. L’État a par ailleurs postulé pour expérimenter à Nouméa la police de sécurité du quotidien, un dispositif naissant en Métropole.

À ce jour, les moyens attribués à la Nouvelle- Calédonie contre la délinquance sont supérieurs de 20 % par rapport à un département de même taille en Métropole. Il s’agira dans un avenir proche de se concentrer sur « le mouvement des moyens et d’insister sur la spécialisation de certaines compétences ».

L’État entend renforcer la collaboration avec l’ensemble des acteurs concernés localement, notamment au travers des conseils locaux de prévention de la délinquance. Il agira à travers le fonds interministériel de prévention de la délinquance, doté en Nouvelle-Calédonie de 45,6 millions de francs CFP par an, en faveur des actions de prévention, de développement de la vidéosurveillance ou encore pour l’équipement des policiers municipaux de gilets pare-balles.

L’État entend aussi renforcer le travail avec les acteurs concernés dans la lutte contre les addictions, le décrochage scolaire et espère œuvrer pour le développement des structures de prise en charge des mineurs. Et pour tout cela, on l’aura compris, il attend une forte implication de la représentation locale, dans le cadre de ses compétences.

C.M.


Équiper les voitures importées

Ce n’est pas un secret, des voitures importées en « modèles de base » et certains pick-up (Navara, Sportero…) sont particulièrement prisées des voleurs car elles manquent de dispositifs antivols. Le haut-commissaire s’est adressé aux importateurs pour pouvoir proposer des équipements antivols supplémentaires aux propriétaires et pour éventuellement éviter d’importer les véhicules à risques. Aux assureurs ensuite de jouer le jeu.


 La délinquance se déplace

Les grandes opérations menées récemment sur les axes routiers nécessitent l’adaptation des forces de l’ordre. Car la délinquance a tendance à se déplacer : il y a en effet une montée visible de faits à Koné, sur la côte ouest de la province Nord et la côte Est.