Découverte d’un python : place à la recherche et à la prospection

La découverte, le 13 juin, d’un python réticulé aux abords de la tribu de Tiéta a provoqué une inquiétude légitime en Nouvelle-Calédonie a fortiori dans la région de Voh. L’affaire est désormais prise en main…

Stupeur et incompréhension sur le Caillou après la découverte par des chasseurs d’un python réticulé de quatre mètres de long pour 26 kg. Et pour cause, cette espèce de serpent, forcément introduite sur le territoire, est connue pour être dangereuse au-delà d’être très impressionnante.

Le serpent n’est pas venimeux, mais sa morsure peut être fatale et ses dents, très fines et tournées vers l’intérieur, sont faites pour happer ses proies. Il peut ainsi facilement se nourrir de petits mammifères et constituer aussi un danger pour les humains. Et il représente évidemment un danger pour la nature de par cette capacité de prédation notamment sur les espèces natives et sa propension à être envahissant.

Sans être pour autant alarmistes ou alarmées, les autorités compétentes prennent l’affaire au sérieux. Elles sont en train d’établir un protocole d’analyses et de prospection pour en savoir davantage sur l’origine de l’animal, s’assurer qu’il était seul, et pour éviter, dans le pire des cas, que l’espèce ne se reproduise voire devienne envahissante.

L’autopsie pour de plus amples informations

En province Nord, l’urgence a été de s’occuper de l’animal et d’informer la population. Les gardes nature de la province ont été mobilisés pour récupérer le cadavre du serpent. Une mission conjointe de la province Nord et du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) a été effectuée sur le site de Tiéta, le lendemain de la découverte.

Des analyses de base, ou « premières constatations » ont été parallèlement réalisées : mensurations, poids, photos de la robe, des motifs… L’espèce a pu rapidement être identifiée par Ivan Ineich, spécialiste des reptiles au Museum national d’histoire naturelle, qui a ajouté d’emblée qu’en situation d’élevage, bien nourri, un tel animal pouvait avoir atteint cette taille en un an seulement et se reproduire vite en présence d’un autre animal – à raison de 20 à 40 œufs par ponte. À titre conservatoire, avant congélation, des prélèvements de peau et de chair ont également été entrepris et seront conservés.

Et puis, d’ici deux semaines, une autopsie sera réalisée, annonce le CEN. Elle permettra d’apporter des indices supplémentaires sur l’origine du serpent. Elle montrera notamment si l’animal portait une puce (ce qui montrerait qu’il était captif ), nous renseignera sur son état de santé général (s’il était plutôt gras et donc nourri par l’homme ou bien maigre venant donc d’une zone sans ou avec peu de nourriture). On saura aussi et surtout s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle avec dans le premier cas un risque « relativement limité de reproduction ». Dans le second cas, une analyse de l’appareil reproducteur sera réalisée pour savoir si l’animal était en âge de se reproduire et dans le cas échéant, s’il avait déjà eu des petits.

Un prélèvement de tissu musculaire ou de foie devrait par ailleurs être fait pour une analyse génétique, permettant d’estimer l’origine de ces populations, par comparaison, sur une banque d’ADN mondial. Des scientifiques de Floride qui font face à des invasions de tels serpents chez eux (lire plus bas) se sont proposés de s’occuper gratuitement de ces recherches. D’autres analyses, assez compliquées, sont encore à l’étude. Elles seraient à réaliser sur les tissus, pour renseigner sur l’état de captivité ou sauvage de l’animal, ou sur les os, pour nous avancer sur son âge. Quoi qu’il en soit à l’issue de cette autopsie, les résultats, envoyés vers des spécialistes internationaux, ne seront pas attendus avant au moins un mois.

Appel à prospection et à vigilance

En attendant, les Calédoniens s’interrogent : y a-t-il d’autres spécimens dans la nature ?
Les rumeurs continuent de se propager sur la présence d’un ou de plusieurs autres animaux. Mais « pour l’instant, jusqu’à preuve du contraire il n’y a qu’un seul spécimen », indique Jean-Jérôme Cassan, du service impact environnemental et conservation de la province Nord.

La réponse est néanmoins importante. « Ces espèces introduites, qu’elles soient très impressionnantes, comme les pythons, ou un peu moins, comme les lapins, voire les plantes et même les graines, peuvent poser d’énormes problèmes environnementaux, ajoute-t-il. Et elles peuvent aussi ne pas poser de problème durant un temps et le faire plus tard en cas de changement dans les écosystèmes. Ce sont de véritables bombes à retardement dans la nature. »

Patrick Barrière, responsable du pôle espèces envahissantes du Conservatoire d’espaces naturels, confirme que l’animal a « une propension à être envahissant » et que le risque pour la faune sauvage d’une telle introduction est une « préoccupation majeure pour les scientifiques ». Une réflexion est donc engagée pour savoir de quelle manière mener les recherches sur le terrain.

À ce niveau, la première des choses, explique Patrick Barrière, a été d’éditer un « appel à la prospection et à la vigilance » pour une diffusion sur la commune de Voh (voir plus bas). Un document qui devrait être distribué dans les tous prochains jours dans toutes les boîtes aux lettres. Le CEN y explique comment se comporter ou ce qu’il ne faut surtout pas faire en cas de rencontre avec un tel animal.

Par ailleurs, des discussions sont en cours avec les spécialistes de Floride sur le bien-fondé de mettre en place une grande « battue », l’animal étant particulièrement difficile à identifier (il se déplace surtout la nuit, reste près de l’eau le jour). Mais a minima, ils discutent déjà de la mise en œuvre d’un système de piégeage, qui serait installé durant une période et évidemment « inoffensif pour les populations et les autres espèces animales ».

L’expérience des spécialistes de Floride est pour la moins instructive : là-bas, le prédateur, originaire à la base d’Indonésie, est devenu envahissant. Il s’attaque aux amphibiens, aux oiseaux, jusqu’aux grands mammifères. Le principal impact étant lié à la prédation des espèces natives.

Heureusement, on est encore loin de ce scénario. Ce n’est pas parce que l’espèce a été vue qu’elle va se développer.
Rappelons, à titre d’exemple, que nous avons déjà fait face ici à deux mangoustes rayées au port autonome et à un crapaud buffle à Vale, sans qu’il n’y ait de suite.

« La bonne nouvelle, c’est que l’homme a appris à connaître ces envahisseurs et que nous avons ici une véritable stratégie de lutte contre les envahissants permettant une détection précoce et une réaction rapide », souligne Patrick Barrière, qui tient à saluer les chasseurs, qui, dit-il ont eu « le bon réflexe » d’avertir immédiatement les autorités sur leur trouvaille.

Le problème du python pris à la base, on l’espère, pourra bientôt n’être qu’un mauvais souvenir…

C.M.

Cet « appel à la prospection et à la vigilance » sera diffusé dans les tous prochains jours dans toutes les boîtes aux lettres de la commune de Voh.

Contact : Christine Fort, responsable de la cellule de veille Tél.:753069