Crise du nickel : le gouvernement confirme enfin

S’il faut en croire les déclarations du président ou du porte-parole du gouvernement, la décision prise cette semaine par l’exécutif de déclarer officiellement la situation de crise affectant le secteur du nickel n’a pas de rapport direct avec les conclusions du récent comité des signataires. Il ne s’agirait finalement que d’un acte quasi automatique issu d’un constat objectif effectué après des études et des analyses approfondies. De qui se moque-t’on ?

La rumeur courait depuis quelques jours déjà, elle était fondée.
Pour sa réunion hebdomadaire de rentrée et même si tous les membres de l’exécutif n’étaient pas présents, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a pris ce mardi un arrêté, à l’unanimité, pour déclarer que le secteur du nickel était en crise.
Quel scoop !

En soi, cette décision n’emporte d’ailleurs aucune mesure concrète pour le moment.
En revanche, elle va permettre la réunion rapide du Fonds Nickel (un conseil d’administration est convoqué pour le 3 mars) et la mise en œuvre de mesures et d’actions de soutien au secteur de la mine.

Ces actions seront relativement limitées par des contraintes administratives, juridiques et financières. En premier lieu et du fait de son champ de compétences, le Fonds nickel permet la prise en charge partielle de cotisations sociales, mais seulement pour les entreprises de moins de 500 salariés, ce qui exclut de fait les entreprises métallurgiques, et le financement de travaux non directement en rapport avec l’extraction minière, par exemple le curage de cours d’eau, la réhabilitation de sites miniers dégradés ou l’aménagement de zones de décantation. Dans un cas comme dans l’autre, les autorisations sont prises selon des critères précis et individualisés en fonction des demandes qui sont formulées notamment par les petits mineurs et leurs sous-traitants. Dernière contrainte et pas des moindres, à ce jour le Fonds nickel n’est abondé qu’à hauteur d’environ deux milliards de francs, ce qui limite, de fait, ses capacités, surtout si, comme l’indique tous les analystes, la crise doit durer.

Fonds nickel et exportations

En soi, la décision validée cette semaine n’est pas une surprise.
La possibilité d’avoir recours au Fonds nickel avait d’ailleurs été évoquée avec insistance l’an dernier pendant le conflit des rouleurs et des petits mineurs comme « la » solution face aux difficultés rencontrées par les uns et les autres. Peu clairvoyant, obnubilé par son bras de fer avec les manifestants, le chef de l’exécutif refusait pourtant de parler de crise malgré les nombreux signaux d’alerte. Aujourd’hui, le gouvernement convient enfin qu’il doit faire face à une situation d’urgence dont les conséquences sociales sont encore difficilement quantifiables.

Mais que de temps perdu.

Dix jours après le comité des signataires, cette première décision en appelle d’autres.
La déclaration commune des partenaires calédoniens et de l’Etat sur les enjeux liés au nickel stipule notamment très clairement qu’un programme prévisionnel d’urgence des exportations sera élaboré et que des mesures seront rapidement prises afin de conforter l’ensemble des métiers de la mine et de la métallurgie aux termes de procédures lisibles et après un débat transparent.

Sur la question des exportations, qui pourrait être partiellement abordée lundi prochain au cours du premier GTPS Nickel post-comité des signataires, les dernières déclarations de Philippe Germain ne sont guère encourageantes et s’apparentent plutôt à un acte de déni notamment quant aux demandes qu’avaient formulée la SLN.

Sur le fond enfin, chacun a convenu à Paris que le dossier nickel ne pouvait être déconnecté du dossier de l’avenir institutionnel de la Nouvelle- Calédonie. Ce qui implique qu’il est devenu nécessaire de raisonner sur deux échelles différentes pour un même sujet.
Une première, immédiate, qui fait du pragmatisme économique une règle nécessaire et de l’autre l’élaboration d’une stratégie à long terme pour garantir à la Nouvelle-Calédonie de demain la meilleure valorisation possible de sa ressource minière.

Il en va finalement du dossier nickel en Nouvelle- Calédonie comme des théories d’Albert Einstein : comment la relativité générale et la physique quantique peuvent être unies pour produire une théorie complète et cohérente de la gravité.

À méditer.

C.V.

Photo C.M.