Crash-test à La Tontouta

Plus de deux cents personnes étaient mobilisées mardi sur une simulation d’accident d’avion sur la piste de La Tontouta. L’occasion de tester l’organisation – et la réactivité – de nos services dans le cadre de l’élaboration du plan Orsec général des aéroports.

Mardi matin, à 10 h 10, un avion de la compagnie Air Cagou en provenance de Sydney s’est abîmé en phase d’atterrissage à La Tontouta avec 38 passagers, et deux membres d’équipage. À 10 h, le commandant de bord avait informé la tour de contrôle d’une panne de son train d’atterrissage. En touchant le sol, l’appareil s’est déséquilibré pour finir « couché sur le ventre » en bout de piste. Les liens radiophoniques ont été coupés… L’incident a visiblement occasionné des blessures de gravité variable à l’ensemble des occupants de l’avion et nécessité la mise en œuvre du plan Orsec général des aéroports.

C’est sur la base de ce scénario qu’a été imaginé l’exercice grandeur nature organisé à l’aéroport international, un exercice mobilisant tous les professionnels concernés, un dizaine de services (lire encadré) de la Sécurité civile, de l’Aviation civile, de l’aéroport, des forces armées… Il s’agissait de tester ce plan Orsec, « rédigé à 90 % », pour identifier les éventuels points d’amélioration des procédures décrites (à la fois dans les plans internes des différentes entités et le plan Orsec) avant que ce dernier soit validé par le gouvernement.

Une grosse machine

Concrètement, juste après l’impact, les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs de l’aérodrome (SSLIA) (les pompiers de Tontouta) sont arrivés à proximité de l’avion – matérialisé par un bus – pour prévenir le risque incendie, le plus craint dans ce genre d’accident. Ils ont été suivis des gendarmes, des pompiers de Païta et des secouristes.

Un poste de secours a été installé, un périmètre de sécurité établi. Les différents postes de commandements ont été activés, les rôles et les missions établis, le plan Orsec a été déclenché, impliquant de manière effective l’ensemble des services de secours externes et acteurs publics qui sont arrivés de manière échelonnée pour intervenir.

Parmi les « victimes », trois personnes en « urgence absolue » ont exigé une évacuation vers le Médipôle (l’exercice s’est fait en condition réelle, sans la phase de transport), neuf autres étaient en « urgence relative » et 28 étaient indemnes, mais « en état de choc ». Ils ont été pris en charge un par un « selon le degré de gravité de leurs blessures », secourus en urgence pour les plus touchés, orientés vers un psychologue pour les « choqués ».

Puis peu à peu, il a fallu établir (et garantir !) une liste exacte des passagers, surveiller de très près la remontée d’information à ce sujet, gérer les journalistes arrivés rapidement, rédiger un communiqué à destination du grand public, et activer un numéro de téléphone d’urgence (le 05 05 05). À mesure que l’information s’est propagée, la pression médiatique s’est intensifiée, puis la pression des Calédoniens téléphonant aux opérateurs de la ligne d’urgence pour en savoir plus. Des « familles » sont arrivées vers 11 heures à La Tontouta et, selon le plan établi par la CCI, il a fallu répondre au mieux, là encore, à leurs terribles inquiétudes.

En quelques heures, l’aéroport s’est transformé en une véritable zone de crise : avec un « poste de commandement opérationnel », un espace pour les blessés graves, un autre pour les passagers indemnes, un quatrième pour les familles (à raison de deux personnes par passager concerné), un autre encore pour les conférences de presse.

Débriefing

Durant cet exercice qui aura duré quatre heures, et nécéssité la fermeture de l’aéroport, tous les acteurs ont joué leur rôle à fond (parfois plus vrais que nature !), l’idée étant vraiment de se parer aux difficiles conditions du réel. Ainsi des cris de douleur ont retenti ici et là, des « membres de famille » se sont évanouis, des journalistes ont pris des photos là ou ils n’étaient pas censé le faire et été très insistants… Un directeur d’animation était par ailleurs chargé d’ajouter des « imprévus » pour tester la réactivité des équipes (ex : coupures d’électricité, alarmes incendie, accident sur le transit).

De quoi mettre à rude épreuve les nerfs des équipes. Et c’était bien là l’objectif.
Régissant à chaud, Yannick Kervolen, chef de service de la planification des risques technologiques et naturels au sein de la DSCGR et directeur de l’exercice, a indiqué que tout s’était déroulé comme prévu, même si les équipes ont été plus lentes, probablement par le manque d’habitude de travailler ensemble. « On se rend compte dans cet exercice que tous les maillons de la chaîne travaillent très bien individuellement, mais plus difficillement quand il faut se raccrocher les uns aux autres et c’est parfois là où il va falloir qu’on progresse », a-t-il commenté.

À revoir également, la communication avec les familles et la prise en charge de celles-ci.
Éric Backes, directeur de la Sécurité civile, a jugé que la difficulté principale a été d’assurer une circulation optimale des informations, notamment entre le lieu de l’accident, le poste de commandement et les autorités à Nouméa. « Il faut absolument fluidifier cette information de manière à ce qu’en bout de chaîne les autorités aient une information fiabilisée. On parle de bilan humain ou des victimes et vous imaginez bien qu’on ne peut pas se tromper. »

Reste que la situation est « beaucoup plus simple » sur un accident de la route « où on est capable de dénombrer assez facilement le nombre de victimes ». « On ne peut pas forcément accéder tout de suite au chantier. Il faut laisser faire l’organisation des secours et attendre la remontée des informations. La priorité des secours, évidemment, c’est de sauver des vies et pas forcément de remonter des informations le plus vite possible », ajoute Éric Backes.

Un autre bilan de cet exercice sera fait à froid et alors le plan Orsec général des aéroports pourra être modifié. Une fois arrêté par le gouvernement, il fera l’objet d’un suivi et d’une remise à niveau régulièrement. Au cœur de ce plan global seront annexées les spécificités des sept aéroports de Nouvelle- Calédonie, dont les risques et les moyens diffèrent sensiblement. Toutes ces structures, qu’elles soient sous la houlette de l’État, de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces, feront l’objet d’un tel exercice à commencer par Magenta, « probablement l’année prochaine ».


De nombreux services

Étaient impliqués directement dans cet exercice la direction de la Sécurité civile, la direction de l’Aviation civile, l’exploitant de l’aéroport (CCI-NC), Aircalin, l’état-major de zone interarmées, la base aérienne 186, la mairie de Païta, les pompiers de l’aéroport, de Païta, de la Sécurité civile, les services de secours de l’aérodrome (SSLIA), le Samu, le Sivap, la Dass, la gendarmerie, la brigade de gendarmerie des transports aériens, les douanes, la police aux frontières ou encore les associations agréées de sécurité civile comme la Croix-Rouge, l’Ordre de Malte, le consulat d’Australie et les médias. À noter qu’il s’agissait ce mardi d’un exercice concernant 40 hypothétiques victimes. Les chiffres des intervenants seraient forcément revus à la hausse et proportionnels sur un avion transportant davantage de passagers, commente la Sécurité civile.


Des plans Orsec

Le plan Orsec, pour « organisation de la réponse de la sécurité civile », est un système général de gestion de crise destiné à faire face aux situations exceptionnelles. Il regroupe l’ensemble des procédures d’actions : direction unique de commandement, chaine d’alerte, communication, information des populations, veille opérationnelle, activation des acteurs du dispositif, secours aux victimes…

Il a été realisé pour repondre à toutes sortes de crises mais peut etre complété par des dispositions spécifiques selon les évènements. Ainsi en Nouvelle-Calédonie, il existe un Orsec cyclone (dépression tropicale forte), un Orsec EMD (évènements météorologiques dangereux), un Orsec tsunami, maritime, Polmar terre (pollutions maritimes accidentelles terrestres), feux de forêt, Novi (nombreuses victimes), SATER (sauvetage aéroterrestre pour la localisation des aéronefs en détresse) et Soutien des populations (évacuation de beaucoup de personnes). Il existe par ailleurs quatre PPI, Plan Particuliers d’Intervention pour Vale, la SLN, le bassin industriel de Numbo, et l’Orsec grand barrage (effrondrement et risque de submersion de la vallée).

Une grande partie de ces plans n’existait pas et d’autres ont nécéssité ou nécéssitent toujours une mise à jour. L’Orsec « risques cycloniques » a été le premier dispositif actualisé par la Nouvelle-Calédonie depuis le transfert de compétence de la Sécurité civile, en janvier 2014. Ces plans sont élaborés par le service de la planification des risques technologiques et naturels.

C.M. ©C.M/DNC – DR

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Les rôles des passagers et membres de l’équipage étaient notamment interprétés par des élèves du lycée Petro-Attiti (filière sécurité et prévention).

La Croix-Rouge et l’Ordre de Malte, deux associations agréées de sécurité civile, sont d’une aide précieuse.

Le PCO, poste de commandement opérationnel, est l’organe de coordination de la gestion de crise et une émanation sur le terrain du centre opérationnel de la DSCGR du gouvernement.
Il doit procéder au partage des responsabilités, demander les renforts nécessaires, communiquer…
Principale difficulté mardi matin, la bascule entre l’organisation de gestion de crise de la CCI-NC à celle du gouvernement.

La gestion de la presse, qui relayera rapidement l’information au public, est un point très important du processus.

Gérer la détresse des familles, qui restent un certain moment dans le flou, est évidemment l’une des tâches les plus compliquées dans ce type d’accident.