Cosmétique : les plantes polynésiennes intéressent la recherche

Phila Raharivelomanana, professeure à l’Université de Polynésie française, présentait cette semaine à l’UNC les travaux effectués sur la phytochimie de plantes polynésiennes et du Pacifique. Des travaux qui ont permis de confirmer scientifiquement les propriétés de certaines fleurs et plantes utilisées traditionnellement pour la cosmétique et de découvrir également des richesses insoupçonnées… De bons arguments pour les protéger et les valoriser.

Professeure de chimie organique à l’UPF, Phila Raharivelomanana a beaucoup travaillé sur les plantes – seule, avec ses étudiants ou ses partenaires scientifiques – inspirée par la nature généreuse qui l’entourait en Polynésie. Invitée par l’Université de la Nouvelle- Calédonie, avec laquelle elle a également collaboré, la scientifique a présenté ses travaux menés depuis une quinzaine d’années. Dans la région, explique-t-elle en préambule, la pharmacopée (l’usage traditionnel des plantes pour se soigner) a toujours beaucoup intéressé les scientifiques qui ont répertorié bon nombre de savoirs. En revanche, la cosmétopée (l’usage des plantes pour les soins et la beauté) reste un concept assez nouveau. « La beauté est vue comme la futilité et la cosmétique a toujours été considérée comme moins importante », commente la chercheuse. « Pourtant, souligne-t-elle, de tout temps, les populations ont utilisé la nature pour leurs soins de beauté et de bien être ».

De fait, l’intérêt de ces recherches est loin d’être futile : « répertorier et analyser les plantes et leurs usages cosmétiques permettent aussi de préserver les savoirs traditionnels qui se transmettent oralement. Et sans ce travail, c’est tout un patrimoine qui pourrait se perdre », nous dit Phila Raharivelomanana. Et c’est sans compter qu’au- delà du patrimoine, les recherches, lorsqu’elles ont permis, comme c’est le cas, de reconnaître scientifiquement des propriétés olfactives ou biologiques sur la peau, par exemple, aboutissent à une meilleure protection et une valorisation commerciale de ces plantes. C’est ainsi que les études décrites ci-dessous ont été menées au fil du temps avec, à la clé, des résultats passionnants…

Le tiaré

Le tiaré Tahiti, emblématique, n’est plus à présenter. Sa fleur est utilisée traditionnellement dans le mono’i dont elle est l’ingrédient principal, à appliquer sur le corps et les cheveux. Fraîchement cueillies, les fleurs sont mises en macération dans l’huile de coprah raffinée. Le monoï hydrate, confère un beau bronzage. « Des équipes de chercheurs ont identifié voilà plusieurs années ses principaux constituants odorants, qui ont permis un usage grandissant du tiaré dans les parfums », raconte Phila Raharivelomanana. Cette fleur, très chère, pourrait faire l’objet d’un commerce « florissant » en étant davantage exportée.

Le santal

Le santal, cet arbre à l’odeur si particulière, trouve son berceau dans le Pacifique et est présent dans beaucoup de pays, à Tahiti, en Nouvelle-Calédonie, en Australie ou encore à Hawaï. Et il présente de nombreux intérêts dans les usages traditionnels. « En matière de cosmétique, son huile essentielle est l’un des composants les plus importants du mono’i. Et il est aussi utilisé sous forme de poudre dans le bouquet aromatique des Marquises (Kumu’hei). » À travers le monde, le santal est utilisé en parfumerie moderne comme note de fond, excellent fixateur qui permet de capturer les arômes de tête des autres huiles essentielles. Mais il existe bien des espèces de santal au monde et, selon Phila Raharivelomanana, les récentes études ont mis à jour des molécules particulières dans les variétés polynésiennes qui seraient aussi intéressantes que le santal d’Inde, le plus commercialisé, mais aussi extrêmement cher. À ce niveau-là, il se dit qu’on pourrait presque parler d’or… Pour cette raison et pour leur extrême rareté dans certaines îles, la plupart des variétés de santal de Polynésie sont aujourd’hui inscrites sur la liste des espèces protégées et font régulièrement l’objet de travaux de repeuplement.

Le Metua’pua

Cette fougère (Microsorum grossum) a de nombreuses utilisations dans la médecine traditionnelle (recettes purgatives, vermifuge, fortifiant musculaire, etc.) « Mais ce que l’on sait moins, explique la chercheuse, c’est qu’en cosmétique des travaux plus récents, menés avec des équipes de pointe en Métropole, lui ont trouvé des effets reconstituants sur les cellules du derme et de l’épiderme. » En clair, le Metua’pua peut agir sur les peaux qui ont subi un vieillissement accéléré, à cause du soleil, par exemple, en anti-âge.

Le tamanu

Cette autre plante, bien connue aussi des Calédoniens, n’est pas appréciée pour son odeur ! Mais l’on sait traditionnellement que c’est un bon cicatrisant. Les études ont prouvé scientifiquement ce que les ancêtres savaient. Et les chercheurs sont allés encore plus loin : ils ont découvert que le tamanu peut induire la production de constituants de la matrice extracellulaire… tels que le collagène ! Ils ont également trouvé des activités antimicrobiennes, en clair qu’il pouvait protéger contre les microbes pathogènes de la peau.

La vanille

Les chercheurs se sont aussi penchés sur la vanille. Ils ont montré quelles étaient les particularités chimiques de la vanille de Tahiti et son odeur. De quoi, là encore, intéresser le monde de la parfumerie et des produits de beauté.

C.M