COP21 : Ils l’ont fait !

Après 13 jours et plus de 300 heures d’intenses négociations, la conférence sur le climat à Paris s’est achevée samedi avec la première validation universelle d’un texte sur le climat. Un accord de 31 pages réduit en substance mais jugé « juste, équilibré et ambitieux ».

C’est avec émotion que le ministre des Affaires étrangères et président de la 21e conférence sur le climat, Laurent Fabius, a annoncé l’adoption du premier accord universel sur le climat. « Je ne vois pas d’objection dans la salle […] je déclare l’accord de Paris pour le climat adopté », a-t-il dit avant d’abattre son maillet sur le pupitre.
Cette brève annonce a été suivie d’une ovation, d’une euphorie même dans la salle de plénière du Bourget. Négociateurs et représentants du monde entier ont enchaîné les accolades, les gestes de victoire. Et la twittosphère a immédiatement réagi. « C’est une victoire pour la planète », a dit Manuel Valls. « Une nouvelle histoire peut s’écrire pour une harmonie entre l’humanité et la planète », a commenté Ségolène Royal.
« C’est énorme : la quasi-totalité des pays du monde ont signé l’accord », s’est extasié le président américain Barack Obama. « Ce qui était inconcevable est désormais inarrêtable », s’est réjoui le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon.

Les grandes lignes

« Un accord différencié, juste, durable, dynamique, équilibré et juridiquement contraignant »… C’est en ces termes que Laurent Fabius a défini l’accord sur le climat adopté par 195 États. En 29 articles, le texte pose le cadre de la lutte contre le changement climatique à partir de 2020 et sans échéance finale. Pour la première fois, tous les pays signataires s’engagent à mettre au point des politiques de lutte contre le changement climatique*. Il entérine ainsi un nouvel ordre mondial où la seule fracture Nord- Sud n’existe plus, avec l’émergence de nouvelles puissances économiques, polluantes, comme la Chine, le Brésil ou l’Inde. Les spécificités des pays en développement ont néanmoins été prises en compte tout au long du texte, soit par le biais de mesures particulières, soit par une plus grande flexibilité à leur égard.

Entre 2°C et 1,5°C

L’objectif initial de la COP21 visait à contenir le réchauffement sous le seuil des 2°C par rapport aux niveaux préindustriels mais les petits États insulaires notamment réclamaient une limite à 1,5°C. Ce texte propose donc une formule de compromis visant à le contenir entre 2°C et 1,5°C et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5°C en reconnaissant que cela « réduirait significativement les risques et impacts du changement climatique ».  À plus long terme, « dans la seconde moitié du siècle », l’objectif est de parvenir à « un équilibre » entre les émissions d’origine anthropique et leur absorption par des puits de carbone (océans, forêts ou l’enfouissement du CO2).

Équité et transparence

Le texte précise que les efforts doivent être accomplis « sur la base de l’équité » et acte que « les pays développés continuent de montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus ». Les pays en développement « devraient continuer d’accroître leurs efforts d’atténuation […] eu égard aux contextes nationaux différents ». Enfin, l’accord souligne qu’« un soutien doit être apporté aux pays en développement » par les nations économiquement plus avancées. Toutes les parties seront amenées à rendre des comptes, sachant que les capacités respectives de chacun sont là encore prises en considération.

Les aides

Pour solder leur dette climatique, l’accord confirme le versement par les pays développés de 100 milliards de dollars (90 milliards d’euros) par an à partir de 2020 aux pays en développement pour les aider à la fois à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux évolutions du climat. Cette somme est présentée comme un plancher et avant 2020, les pays développés seront incités à augmenter leurs financements. Innovation majeure, « d’autres parties » que les pays industrialisés sont « encouragées » à fournir des aides sur une base volontaire. La Chine, le Brésil et les pays pétroliers de la péninsule arabique sont directement visés.

Le mécanisme de révision

Pour pouvoir atteindre les objectifs, les engagements nationaux seront examinés tous les cinq ans. La première révision obligatoire aura lieu en 2025, les suivantes devant marquer « une progression ». Les parties sont cependant invitées à faire un premier point sur leur action collective en 2018, en vue de revoir éventuellement leur contribution dès 2020. À ce jour, 190 pays sur 195 ont remis leurs contributions qui, additionnées, mettent la planète sur une trajectoire de réchauffement d’environ 3°C. Ces engagements seront annexés à l’accord mais n’ont pas de valeur contraignante.

Retrait

Pour entrer en vigueur en 2020, l’accord devra être ratifié, accepté ou approuvé par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais, « à tout moment après un délai de trois ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord pour un pays », celui-ci pourra s’en retirer sur simple notification.

* L’accord de Kyoto de 1997 – seul précédent – n’imposait qu’aux seuls pays industrialisés des réductions de leurs émissions de gaz à effet de serre, au nom de leur responsabilité historique.

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Succès diplomatique 

L’organisation et le savoir-faire diplomatique de la France ont été unanimement salués à l’issue de la COP21. La conjoncture était certes favorable à un accord avec le volontarisme nouveau des États-Unis et de la Chine, la montée en puissance de l’opinion publique sur le sujet et la multiplication des « preuves » du réchauffement climatique. Sans compter le goût amer qu’avait laissé l’échec de Copenhague. Reste qu’une négociation qui demande l’unanimité est toujours périlleuse. Au final, après plus de deux ans de déplacements, de rencontres informelles et près de quinze jours de négociations, Laurent Fabius et son équipe dont Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations climatiques, ont su rallier tous les pays de la planète dans un même élan climatique. Un premier pas appréciable même s’il arrive tardivement.

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Ce qu’en pensent les ONG

En majorité, les organisations non gouvernementales sont satisfaites qu’un accord ait été trouvé. Greenpeace avait ainsi estimé, avant même son adoption, que l’accord marquait un « tournant ». « La roue de l’action tourne lentement mais à Paris, elle a tourné. Le texte place l’industrie des énergies fossiles du mauvais côté de l’Histoire », a ainsi déclaré le directeur de l’organisation, Kumi Naidoo.

Cependant les critiques se font entendre. Il est regretté en particulier que l’objectif sur les températures ne soit pas décliné de manière plus précise, avec des objectifs chiffrés de baisse des émissions de gaz à effet de serre sachant que pour l’instant les engagements des pays conduisent à un réchauffement climatique supérieur à 3°C d’ici la fin du siècle. Par ailleurs, pour les ONG, le rendez-vous de 2025 pour la révision de ces engagements à la hausse est beaucoup trop tardif si l’on veut endiguer un réchauffement porteur de graves perturbations climatiques. Aussi le flou a été laissé sur la date de fin d’utilisation du pétrole. Il n’y a pas de date pour le remplacement des énergies fossiles par les énergies renouvelables et il n’y pas de mention non plus d’une taxe carbone. Enfin, les aides accordées aux pays pauvres restent toujours à l’appréciation des futurs donateurs sans obligations contraignantes.

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EPLP : « Être à la hauteur en Calédonie »

Localement, l’association Ensemble pour la planète a réagi par la voix de sa présidente, Martine Cornaille. Pour EPLP, « les environnementalistes qui attendaient un accord universel, différencié, ambitieux et contraignant devraient se réjouir ».

En revanche, pour l’association, il est indispensable que les engagements soient relevés « avant la mise en œuvre de l’accord en 2020 ». EPLP relève par ailleurs le caractère peu contraignant des engagements « déjà discutés par d’éminents juristes » et le fait que les engagements volontaires des États « ne sont pas scientifiquement pertinents pour limiter le réchauffement à 1,5°C ». Pour EPLP, pas de doute, il faut « programmer la fin des énergies fossiles et ne pas attendre 2020 pour le faire ». À ce titre, Martine Cornaille évoque la Nouvelle-Calédonie « qui partage la dette écologique des pays pollueurs avec des émissions de CO2 per capita hors normes ». EPLP demande de fait au gouvernement et au Congrès « de faire nôtres les prescriptions scientifiques climat » en préparant et adoptant au plus tôt et « en dehors de toute considération politicienne », une loi de transition énergétique qui décline les mesures contraignantes à mettre en œuvre par tous les acteurs calédoniens (métallurgistes et miniers inclus) et un calendrier de réalisation. « L’affligeant schéma de transition énergétique présenté au Congrès, les déclarations d’élus locaux et nationaux, du représentant de l’État même, nous font craindre le pire » dit Martine Cornaille qui demande que nous soyons ici aussi « à la hauteur des formidables enjeux annoncés ».

Précisions que l’on ne sait pas encore si la France choisira ou non d’inclure les collectivités d’Outre-mer dont la Nouvelle-Calédonie dans cet accord. Elle ne l’avait pas fait lors du protocole de Kyoto en 2004. Sur le territoire, le gouvernement et les provinces ont la charge de la question climatique. Et c’est donc ce fameux schéma de transition énergétique – dont l’examen a été reporté — qui doit fixer nos ambitions.

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Couac pour les Outre-mer ?

Les représentants ultramarins de France n’ont pas été conviés à assister à la rencontre finale sur l’accord. Un goût amer pour certains représentants de territoires qui sont parfois en première ligne du réchauffement climatique.
Par contre les réactions étaient globalement positives chez les délégués des pays les plus vulnérables du Pacifique. L’ambassadeur des îles Samoa, Aliioaiga Feturi Alisaia, qui attendait la séance plénière finale, a ainsi salué l’accord auprès de journalistes de La Croix. « La mention de la cible à long terme d’un réchauffement de 1,5°C est essentielle. Cela nous permet de revenir vers nos populations avec un acquis concret pour eux. La mention des pertes et préjudices est également importante. Le tort que nous fait subir le changement climatique est ainsi reconnu », a t-il commenté estimant que son peuple devait « faire sa part du chemin en s’adaptant au climat, en développant des énergies propres mais sans avoir besoin que quelqu’un vienne contrôler ce que nous faisons. »

C.M avec l’AFP