Cook, frayeurs et dégâts

Le territoire a été frappé entre lundi et mardi par le cyclone tropical Cook. Un premier bilan fait état d’un mort par noyade, quatre blessés légers, des milliers de foyers privés d’électricité au plus fort de la crise et de dégâts importants dans le centre-est et le centre-ouest.

L’activité a repris son cours progressivement mardi matin avec la levée de l’alerte 2, après des heures particulièrement angoissantes. Le cyclone Cook est passé lundi en début d’après-midi à 70 km à l’ouest d’Ouvéa, puis a traversé la Grande Terre dans la soirée sur un axe Houaïlou/Nessadiou. Il s’est ensuite éloigné en suivant une trajectoire vers le sud-sud-est en fin de nuit de lundi à mardi.
Durant l’épisode, des rafales à 180 km/h ont été observées à la montagne des Sources, 165 km/h à Bouraké, 145 km/h sur l’extrême Sud et autour de 120 km/h à Nouméa. Et selon Météo France, « des vents proche de 200 km/h ont très certainement soufflé en dehors de nos zones de mesure », en particulier sur cet axe Houaïlou-Bourail. Des cumuls exceptionnels de précipitations ont été relevés avec plus de 250 mm en 24 heures sur le sud-est et le relief sud, ainsi que 400 mm en 24 heures sur la région de Thio. Ailleurs, il est tombé entre 100 et 150 mm en 24 heures.
Au plus fort du cyclone, la pression enregistrée en son centre s’est élevée à 961hPa. Mais Cook a perdu de son intensité en traversant la chaîne, s’est accéléré et sa trajectoire s’est décalée à l’ouest, nous quittant plus tôt que prévu et épargnant la capitale.

©C.M.Point presse du président du gouvernement, Philippe Germain et du directeur de la sécurité civile, Eric Backes. 

Une perte humaine

Reste que les dégâts sont importants. Un homme de 73 ans, d’abord, est mort noyé dans la rivière dans la commune de Kouaoua. Son corps a été retrouvé, mardi, en fin de journée alors qu’il était activement recherché. Il avait, semble-t-il, voulu traverser la rivière en crue. Quatre personnes ont été légèrement blessées, deux à Poindimié, une à Thio et une à Ouvéa. Elles avaient été prises en charge lundi après-midi. Les centres d’hébergement communaux d’urgence ont bien fonctionné, permettant de protéger 350 personnes sur l’ensemble du territoire.

©C.C. 350 personnes ont été accueillies en toute sécurité dans les centres communaux d’hébergement.

Constatations sur le terrain

En ce qui concerne les dégâts matériels, les reconnaissances terrestres et aériennes effectuées par la Sécurité civile dans les trois provinces ont permis d’apporter une idée plus précise du sinistre. « La côte Est a été la plus touchée avec des tribus isolées, des axes coupés, des radiers qui débordent, les plus importants dégâts sur les réseaux routiers et électriques », annonçait le président du gouvernement, Philippe Germain, mardi en fin de matinée. Certaines tribus isolées de Canala et Kouaoua ont ainsi été sévèrement impactées, les sorties en direction de La Foa et de Thio ont été bloquées à Canala, tout comme la route à horaires. Sur cette première zone, deux véhicules d’intervention de la sécurité civile (DSCGR), un détachement de 30 militaires des Forces armées (FANC) et les sapeurs-pompiers du SIVM Centre-est, appuyés par un hélicoptère ont été dépêchés pour oeuvrer au rétablissement des accès et des réseaux. L’axe routier Houaïlou-Canala a pu être rétabli. Un camion logistique devait partir de Nouméa jeudi matin avec 200 kits d’urgence pour la zone Kouaoua-Canala.

Des dégâts notoires ont aussi été observés sur la zone centre-Ouest.
Des tribus entières sont restées bloquées à Bourail et Poya où le réseau routier demeurait difficile d’accès mercredi soir et où prés de 900 personnes restaient sans eau potable. Un véhicule d’intervention, 30 militaires des FANC et les sapeurs pompiers de Bourail ont travaillé pour rétablir les accès et un camion citerne avec 11 000 litres d’eau était en partance mercredi. Des dispositifs de potabilisation de l’eau mise en œuvre par la Croix-Rouge française étaient aussi attendus. Ailleurs sur la côte Ouest, il avait fallu rétablir mardi matin l’accès au pont Marguerite, coupé lundi soir, déblayé la RT1 à Dumbéa, particulièrement dans le secteur de Tonghoué. Sur la Savexpress, un arbre était tombé au nord de Nakutakoin. Et la route des Koghis était, elle aussi, fermée. Outre la mise en œuvre en urgence des opérations de soutien aux populations isolées, une phase de coordination a été engagée avec les associations agréées de sécurité civile afin d’assurer dans la durée l’approvisionnement des populations concernées en denrées de première nécessité, en eau potable, en matériel léger de reconstruction et en kits sanitaires. De Païta à Lifou, en passant par Moindou et Houaïlou, des toitures de maison ont été emportées, des arbres se sont effondrés détruisant des habitations.

 

©DSCGR Inondations sur la côte Ouest. Ici la RT1 à la Ouenghi. 

Le réseau électrique fortement touché

Au plus fort de la crise, on estime à 30 000 le nombre de clients privés d’électricité sur le territoire (10 000 pour EEC, 20 000 pour Enercal). En cause, la chute des arbres, des pylônes arrachés, des tensions sur le réseau… Les perturbations électriques causées par Cook ont rendu inopérant le poste d’évacuation de la centrale de Népoui et donc l’envoi d’électricité dans le Nord. Les communes du Sud, de Païta à Moindou, ont été longuement dans le noir. Mardi, les communes de Thio à Touho, à l’exception de Ponérihouen et Poro, étaient encore privées d’électricité. À Boghen, une ligne haute tension était tombée au sol. La commune du Mont-Dore a aussi été particulièrement gênée avec 5 000 clients concernés. Une réunion de coordination des différents opérateurs des réseaux (OPT, EEC et Enercal) s’est tenue mercredi matin sous l’égide du gouvernement pour optimiser les opérations de rétablissements des réseaux, la DSCGR pouvant projeter des techniciens sur les sites inaccessibles par voie aérienne.

Mercredi soir 865 clients d’EEC restaient sans courant au Mont-Dore, à Dumbéa et à Bourail, et 900 clients d’Enercal (Canala, Thio, Boulouparis, Sarraméa et La Foa). L’OPT de son côté faisait état de 53 sites mobiles toujours hors service (15 % du réseau) et de sites toujours isolés pour le téléphone fixe et internet (Boulouparis, Bourail, Canala, Houaïlou, Kouaoua, Ponérihouen, Sarraméa, Maré).

Coup dur pour le monde agricole

Au-delà de l’urgence première, le cyclone Cook a ravagé des parcelles entières, notamment sur la zone située directement sur le passage du cyclone à Bourail, Moindou, Farino et La Foa. Le gouvernement, les provinces, la Chambre d’agriculture ont tenu mardi une réunion de crise sous l’égide de l’Apican et, mercredi, leurs représentants ont effectué une première tournée d’exploitations entre Païta et Bourail avant de se rendre en province Nord. Selon les premières constatations, 50 % de la production en serres ont été touchés. Les exploitations légumières et fruitières et les productions vivrières sont particulièrement concernées. « Ce sont des gens abattus que nous avons rencontrés, commente Nicolas Metzdorf, président de l’Apican. Cette tournée doit nous permettre d’avoir une idée plus précise de l’ampleur des dégâts et il s’agira ensuite de prendre les meilleures dispositions pour les aider. » Les agriculteurs et les éleveurs sont invités à faire connaître leurs pertes, aussi bien concernant les productions que les biens d’équipement auprès des autorités concernées (Cama, techniciens provinciaux, Chambre d’agriculture) avant le vendredi 21 avril.

©IFEL Le cyclone a violemment touché les bassins de production de La Foa-Bourail où de nombreuses exploitations sont dévastées.

Des actions efficaces et rapides

On l’aura compris, les pertes sont considérables pour quelques familles et professionnels. Mais à l’échelle du pays, le pire a finalement été évité. « La Nouvelle-Calédonie a été relativement épargnée avec des vents plus modestes qu’attendus (…) et également des dégâts moins importants que redoutés », a ainsi déclaré Philippe Germain, au cours d’un point presse.

Le président du gouvernement a tenu à saluer le « professionnalisme » de l’ensemble des services de la Nouvelle-Calédonie et de l’État et les féliciter pour leur engagement. Il a été relevé qu’il s’agissait du premier cyclone à gérer pour la Direction de la Sécurité civile depuis le transfert de compétence en 2013 et qu’elle s’était « globalement montrée à la hauteur de la situation ». Un mot a aussi été dit sur le comportement « citoyen » de la population. Et il est vrai que dans l’ensemble les consignes de sécurité ont été respectées, les différentes alertes comprises. Les Calédoniens ont aussi la chance de pouvoir se préparer durant le week-end. Enfin, on notera ce bel élan de solidarité qui s’est constitué dans les communes sinistrées.


Nouméa épargnée 

La capitale a été relativement épargnée grâce à la déviation de la trajectoire du cyclone, la perte de son intensité et sa prise de vitesse. Le PC communal, qui avait engagé 150 sapeurs-pompiers et policiers municipaux durant toute la nuit, a enregistré 526 appels dont 15 ont nécessité une intervention. Près de 40 techniciens municipaux ont entamé le travail dès 6 h mardi pour dégager les voies publiques jonchées de débris végétaux et pour sécuriser la ville.

©C.C.Les travaux de nettoyage ont été entamés au petit jour, mardi à Nouméa.

Plus ou moins fort

Le gouvernement a établi une comparaison avec d’importants phénomènes survenus ces dernières années dans la région. Alors que la pression enregistrée au centre de Cook s’est élevée à 961 hPa, elle était de 896 hPa pour Pam avec des vents soutenus à 270 km/h, lors d’un cyclone qui avait fait seize victimes au Vanuatu les 14 et 15 mars 2015. Lors du passage d’Erica au-dessus de la Nouvelle-Calédonie, les 13 et 14 mars 2003, la pression au centre avait atteint 920 hPa et les vents moyens maximum avaient été estimés à 215 km/h avec des rafales pouvant atteindre 320 km/h. Le bilan s’était alors établi à trois morts, dix blessés graves, 118 blessés légers et 2 500 personnes sinistrées.


Peu d’impact sur les liaisons aériennes

Par chance, aucun dégât n’a été constaté sur les aérodromes de La Tontouta, Magenta, Lifou et Koné. L’aérogare de La Tontouta a néanmoins été privée d’énergie. L’aéroport international a pu assurer, dès mardi soir, les liaisons en provenance de Melbourne et Wallis et en partance pour Auckland. Les vols locaux ont été assurés dès mardi après-midi.


Le Medef-NC lance une enquête

Le syndicat patronal a mené une enquête, toujours en cours, relative aux conséquences du cyclone Cook sur l’activité des entreprises et la gestion de l’activité en amont et en aval selon les différentes phases d’alerte. L’étude porte sur un panel représentatif d’une soixantaine d’entreprises de tous secteurs d’activité : commerce, industrie, BTP, transport, restauration et services.

Parmi les répondants : 80 % n’ont pas subi de dégâts matériels. Pour les 20 % concernés, il s’agit en majorité de dégâts sur les bâtiments et les toitures et des dégradations dues aux fortes pluies.
96 % des professionnels interrogés considèrent avoir été bien informés en amont du cyclone avec un bémol sur la fermeture progressive lors du déclenchement de l’alerte 1. 69 % considèrent avoir été bien informés en aval, mais 31 % estiment de la même façon que la phase de sauvegarde n’est pas suffisamment explicite quant à la reprise des activités. Ainsi, 80 % déclarent avoir repris l’activité après la période de sauvegarde levée à midi et 20 % n’ont pu être opérationnels l’après-midi.

53 % ont eu des absences de salariés durant la pré-alerte et après la période de sauvegarde. Enfin, 90 % des entreprises conservent la rémunération des salariés avec des formules variées telles que la récupération des heures non travaillées ou un accord sur la prise de congés payés (hormis le secteur du BTP qui prévoit l’indemnisation des jours non travaillés en cas d’intempéries).

C.Maingourd

©DSCGR, C.M., C.C, IFEL.