Comité des signataires : une sortie de l’Accord à ne surtout pas rater pour Macron

Emmanuel Macron fait un fort retour dans le dossier calédonien, dont le chef de l’Etat ignorait la subtile alchimie à son arrivée à l’Élysée, ce qui lui a valu quelques bourdes dans sa campagne électorale. Depuis, en bon élève, il a bûché son sujet : il suit de près le Comité des signataires, reçoit les délégations calédoniennes, annonce un déplacement sur le territoire, mais écarte par avance l’option indépendance-association.

Macron, briseur de codes. – En règle générale, un Président en exercice n’évoque pas un autre territoire de la République, lorsqu’il se rend en Guyane, par exemple. Emmanuel Macron a brisé ce code aussi, puisqu’il a annoncé depuis Cayenne qu’il se rendrait en Nouvelle- Calédonie « avant le mois de mai prochain ». Soit cinq mois après son Premier ministre, Edouard Philippe, toujours prévu en décembre. Et vraisemblablement après le futur (et XVIIe) Comité des signataires, qui devrait se tenir à Paris, au premier trimestre 2018…

En direct. – Une annonce, faite par le chef de l’État devant un parterre de journalistes spécialisés en outre-mer, afin que la nouvelle soit publique et connue de tous, lorsqu’Emmanuel Macron recevrait les délégations calédoniennes, lundi en prélude du XVIe Comité des signataires. En d’autres termes, aucun élu, quel qu’il soit, ne pourra se vanter d’avoir eu la primeur de la nouvelle : traitement équitable et communication directe à la Macron !

Après déminage. – Vu le calendrier de la visite d’Emmanuel Macron en Calédonie, les deux « préalables » essentiels au référendum de 2018 seront a priori solutionnés à son arrivée : la liste référendaire d’abord devrait avoir fait l’objet d’un accord, que l’on espère pouvoir se dessiner dès cette semaine. Ensuite, la question posée aux Calédoniens lors de la consultation sera connue, sinon clairement libellée. Le chef de l’État se poserait donc sur un Caillou parfaitement déminé. Parfaire le déminage sera d’ailleurs le job du Premier ministre, en décembre, entre les deux Comités des signataires.

À la Sarkozy ? – Prenant le dossier à la fin du processus de l’Accord de Nouméa, dans la file des Michel Rocard et Lionel Jospin, qu’il cite à chaque fois qu’il aborde le sujet, l’important, pour Emmanuel Macron, est de réussir la sortie d’une période de trente ans : le référendum, sa crédibilité, son irréprochabilité et sa suite… À l’instar de Nicolas Sarkozy, le Président veut imprimer son coup de patte au devenir de la Calédonie. D’autant plus que le territoire, légitimement sarkozyste en son temps, est pour lui une terre d’élection… où il n’avait pas dépassé les 12,7 % au premier tour de la présidentielle.

Vers un référendum binaire. – C’est pourquoi, Emmanuel Macron s’engage. Et affiche sa préférence pour un référendum binaire : oui ou non au transfert des compétences régaliennes, tel que prévu dans l’Accord. C’est en tout cas, ce que décèle dans son discours, Harold Martin, un signataire historique, qui s’en réjouit : « J’ai bien entendu le président de la République nous dire qu’il fallait respecter le processus de l’Accord, c’est-à-dire aller au référendum pour ou contre l’indépendance ! », dit-il.

Frogier satisfait ! – « Même si je me posais beaucoup de questions avant cette rencontre, avoue Pierre Frogier, je peux dire que nous sommes satisfaits. Le président de la République m’a semblé très attentif à notre situation et les réponses sont d’ores et déjà à la hauteur de nos interrogations. » Le sénateur, qui conduit la délégation du Rassemblement, est rassuré car « l’État s’engage à mieux préparer la consultation en termes politiques », affiche sa volonté de « tirer le débat vers le haut », afin, dit-il notamment, « que les 30 ans que nous venons de vivre en Calédonie ne soient pas perdus ».

L’indépendance-association, c’est non ! – L’Accord, tout l’Accord de Nouméa : voilà qui devrait indiquer la ligne de conduite du gouvernement de la France, et pour le Comité des signataires et pour les mois qui suivent. Pour autant, précise encore Pierre Frogier rapportant les propos du chef de l’État, « Si le référendum se concluait par l’indépendance », Emmanuel Macron exclut et « ferme la porte à toute forme d’indépendance-association. Au moins les choses sont claires », ajoute-t-il. Et clairement dites du côté du Château ! Derrière l’enthousiasme du sénateur, se cache mal la pichenette que met Emmanuel Macron à tous ceux qui envisageaient une troisième voie, quelque part entre l’association et le fédéralisme : plateformistes, experts de tout crin et Christnacht confondus.


Autres réactions

Roch Wamytan (UC-FLNKS et nationalistes).

« Il faut absolument régler cette question du corps électoral, parce qu’elle est une question récurrente depuis pratiquement plus de 65 ans maintenant. Lorsqu’Eloi Machoro fracasse l’urne en 1984, c’était déjà la question du corps électoral qui était posée. Cette question est capitale et il nous faut la solutionner maintenant ! »

Victor Tutugoro (Uni-Palika).

« Nous avons demandé qu’à l’occasion de cette réunion du Comité des signataires, on puisse enfin décider d’un certain nombre de choses dans le cadre de la consultation de sortie. Depuis maintenant trois ans, nous avons fait pas de mal de choses : réunions, travail avec des experts, réflexions… Or que constate-t-on ? Que notre groupe a été le seul à produire un travail. Les autres groupes n’ont rien fait : qu’il s’agisse de la plateforme ou de nos camarades de l’UC… »

Philippe Gomès (Calédonie ensemble).

« S’inscrire sur une liste électorale est normalement de la responsabilité de chaque individu Mais comme on est dans un état d’esprit constructif, positif pour permettre à ce référendum de se tenir dans de bonnes conditions, on a dit OK : on est prêt à faire un geste, nous, non-indépendantistes, pour que l’ensemble des natifs, kanak ou non kanak, puisse être inscrit d’office sur la liste générale et donc sur la liste référendaire. J’espère que cette main tendue des non-indépendantistes, pour régler un problème qui se pose principalement chez les indépendantistes, sera saisie par le FLNKS à l’occasion du Comité des signataires. »


Feuille de route et ordre du jour

L’ordre du jour officiel du XVIe Comité des signataires de l’Accord de Nouméa prévoit cinq points, qui seront débattus ce jeudi :

1- l’organisation du scrutin de 2018
2- le corps électoral concerné par cette consultation
3- le rôle des observateurs de l’Onu
4- la conjoncture du nickel et l’accompagnement des pouvoirs publics 5- un bilan de l’Accord de Nouméa.

Bien évidemment, le point crucial des discussions consistera à définir le corps électoral du référendum de 2018. C’est-à-dire de s’entendre sur les modalités d’inscription des électeurs concernés sur les listes électorales. Automatique ou non ? Et s’il y a automaticité, « il faudrait qu’elle s’applique à tous, afin de ne pas créer de nouvelles discriminations, là où on cherche à les abolir », comme le faisait récemment observer l’historien Luc Steinmetz. Un accord entre indépendantistes et non-indépendantistes « sécuriserait la consultation », car il rendrait le scrutin « incontestable, donc incontesté ». Tout en « écartant un quelconque risque de boycott, qu’il vienne d’un côté ou de l’autre », comme l’ajoutait un autre historien, Louis-José Barbançon, dans le dernier Club politique de RRB. C’est pourquoi la famille loyaliste, cette fois sur la même longueur d’onde, proposera la présence de magistrats dans les bureaux de vote. Ce que ne refuseraient pas les indépendantistes. Un accord serait donc « possible » dès cette semaine, affichent les délégations calédoniennes, raisonnablement optimistes.

M.Sp.

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