Colloque à l’UNC / Avenir institutionnel : « Philippe Gomès tombe le masque » !

La formule est de Philippe Blaise, lors d’une conférence de presse des Républicains calédoniens, mardi. Visées, les déclarations du patron de Calédonie ensemble, lors du colloque sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie à l’Université de Nouville. À y regarder de plus près, les propos sont, en effet, forts de café et n’ont jamais été énoncés aussi clairement…

Tout avait commencé en ronronnant, comme souvent dans les colloques universitaires. Les ex-ministres, Jean- Jacques Urvoas et Dominique Perben, et toujours « missionnaires » ou missionnés par l’État pour nous « éclairer » sur les choix institutionnels possibles avaient, raisonnablement indiqué au public « qu’il ne fallait pas chercher l’avenir dans les modèles existants ». Qu’au contraire, « l’État et le parlement de la France, qui se sentent conjointement responsables du devenir du territoire, mettraient toute leur boîte à outils à la disposition des Calédoniens ».

Jean-Jacques Urvoas, l’ancien garde des Sceaux, avait même précisé (en réponse à une question opportune de Pierre Bretegnier) qu’il « ne croyait guère en un État-associé, ni à un État fédéral au sein d’une France qui récuse le fédéralisme ». Que « la solution serait à inventer », si la Calédonie choisissait la France à l’issue du scrutin de 2018. Exactement ce qu’avait déjà dit le Président Macron, en prélude du dernier Comité des signataires : « L’indépendance ou la France », avec toutes les souplesses constitutionnelles voulues et souhaitées, mais pas de « bricolage » entre les deux. Bref, rien de vraiment nouveau sous le soleil calédonien.

Puis ce fut au tour des partis politiques de donner leur vision de l’après-référendum. Les indépendantistes ont boycotté l’exercice. Sonia Backes s’y est collée de façon claire pour Les Républicains calédoniens : « Le maintien de la Nouvelle-Calédonie comme collectivité de la République, le non transfert des compétences de l’article 27, la réouverture du corps électoral, le refus de toute solution de type État, qu’il soit associé ou fédéré ». Idem pour Pierre Frogier ou Gaël Yanno.

Mais ce même jour, Philippe Gomès les a tous pris à contrepied en proposant une « déclaration commune » avant le référendum : « Le patrimoine commun, si on veut que tout le monde trouve sa place autour de la table, nous devons l’élargir à tout ce qui n’a pas été mis en œuvre dans l’Accord de Nouméa », dit-il. Que souhaite-t-il ? De nouveaux transferts de compétences, ainsi qu’un nouveau nom pour la Nouvelle-Calédonie, il le dit : « Je pense, bien sûr, au transfert de l’Adraf, je pense aux compétences de l’article 27, je pense enfin aux signes identitaires : nom et drapeau du pays ». Ce n’est pas tout : s’y ajoute l’association de la Nouvelle-Calédonie aux compétences régaliennes : « je crois, affirme Philippe Gomès, que l’on doit pouvoir également ‘calédoniser’ les administrations régaliennes, c’est aussi une manière de se les approprier ».

Ainsi, pour la justice, dit-il : « Je crois que nous devrions être associés à l’exercice des compétences régaliennes sur certains niveaux qui ont été déterminés par les experts et qui me semblent utiles, lorsque, par exemple, au niveau de la justice, nous avons des assesseurs coutumiers auprès de la juridiction civile pourquoi ne pas réflfléchir à la prise en compte de la particularité de notre pays avec des assesseurs coutumiers à la juridiction pénale »

S’agissant de la police, il préconise : « En matière d’ordre public aujourd’hui, le haut-commissaire se contente d’informer le président du gouvernement, lorsqu’un certain nombre d’actions sont engagées, pourquoi ne pas envisager un dispositif de codécision ? ». Idem pour la défense, selon Philippe Gomès : « Pourquoi ne pas davantage associer la Nouvelle-Calédonie à l’ensemble des manœuvre effectuées par l’armée française dans la région ? »

Enfin, la perle nous arrive avec une autre compétence régalienne : « En matière monétaire et de crédit, pourquoi ne pas faire de l’IEOM, une petite banque centrale adossée à la Banque de France, dit le leader de la plateforme, ce qui est tout à fait faisable et qui nous permettrait d’avoir notre mot à dire en matière de politique monétaire et de crédit. » À un moment « où la Calédonie bute rien qu’à la mise en place de la banque postale », l’incongruité du propos fait sourire Isabelle Lafleur présente, elle aussi, au colloque de l’UNC. D’autres se demandent si le Palika de Paul Néaoutyine s’exprime par la voix du leader de Calédonie ensemble.

Reste que la dérive nationaliste et souverainiste (désormais mise à jour) de Philippe Gomès et de son parti a fait réagir Les Républicains calédoniens. Autour de Sonia Backes, Isabelle Lafleur, Nicole Andréa-Song, Paule Gargon, Grégoire Bernut, Philippe Blaise, Christopher Gyges et le signataire de l’Accord, Simon Loueckhote, entre autres, l’ont pointé, dénoncé et s’y opposeront. On est bien curieux de savoir si Pierre Frogier ou Gaël Yanno cautionneront, eux, au nom de la plateforme commune.


Sonia Backes : « Je n’ose pas croire qu’il puisse mettre la Calédonie sur le chemin de l’indépendance ! »

La chef de file des Républicains calédoniens réagit vivement aux propos « nationalistes » de Philippe Gomès. Au nom de son groupe, Sonia Backes s’interroge aussi sur ce que pensent les autres élus de la plateforme des propositions du leader de Calédonie ensemble.

En dessinant les contours d’une « nation calédonienne » qu’érigerait « un peuple calédonien souverain dans sa nation », Philippe Gomès a-t-il franchi la ligne rouge que s’étaient fixée les partisans du maintien dans la France ?

Oui, ce n’est pas ce que souhaite la majorité des Calédoniens. Philippe Gomès ne tient pas le même discours en campagne électorale et après. Il n’a pas de mandat pour faire signer une déclaration commune qui engagerait tous les Calédoniens sur un chemin qu’ils n’ont pas voté. Le référendum de 2018 est là pour que les Calédoniens s’expriment sur l’avenir qu’ils souhaitent. Cette déclaration commune risque d’engager inexorablement la Calédonie sur le chemin d’une forme d’indépendance.

Son propos, lors du colloque sur l’avenir institutionnel à l’UNC, incite aussi au transfert de l’article 27, à la « calédonisation » de la justice, de la police, de la défense et à la transformation de l’IEOM en « petite banque centrale ». Crédible, selon vous ? Et sommes- nous toujours dans le cadre de l’Accord de Nouméa ?

Ses propos n’incitent pas à tout cela, c’est bien plus qu’une incitation, c’est la marque d’une volonté forte de sa part de voir la Calédonie se séparer petit à petit de ce qui la rattache à la République. Ce n’est pas ce qui est prévu dans l’Accord de Nouméa. L’Accord de Nouméa prévoit que ce soit les Calédoniens qui décident pour tout ce qui concerne les compétences régaliennes, pas une déclaration commune faite en catimini par quelques élus calédoniens.

Cette attitude, contradictoire avec ses propos de campagne lors des législatives, le rapproche de Paul Néaoutyine et du Palika, donc de la fin du problème au gouvernement ?

Je n’ose pas croire qu’il puisse faire le choix de mettre la Calédonie sur le chemin de l’indépendance, simplement pour faire élire Philippe Germain. Ce serait totalement irresponsable ! Céder tout ou partie de notre appartenance à la République pour des questions d’ego n’est pas digne des responsabilités que les électeurs lui ont confiées. Philippe Gomès propose d’engager les élus à signer « une déclaration commune » avant le référendum. Quelle est votre réaction ? Et la plateforme dans tout ça ? Nous ne validerons pas une déclaration commune qui nous engagerait sur ce chemin. Et je m’interroge sur l’avis de Pierre Frogier et de Gaël Yanno sur ces engagements de Philippe Gomès. Leur silence sur le sujet est édifiant. Qui ne dit mot consent… Cela veut-il dire qu’ils valident la nation calédonienne voulue par le chef de la plateforme ? Je leur pose la question.

M.Sp.

Photos : M.Sp. /UNC