Cluster mer « On a un peu oublié que la Calédonie est une île »

Lancé il y a tout juste un an, le cluster mer rassemble près de 70 acteurs du secteur maritime. Leur but : ramener sur le devant de la scène – et développer – l’économie de la mer. Rencontre avec son secrétaire général, Lionel Loubersac.

DNC : Le secteur maritime est-il pris en considération par les décideurs politiques ? 

Lionel Loubersac : Oui… mais insuffisamment. C’est une des raisons d’être du cluster. Nous voulons faire prendre conscience, pas seulement aux politiques d’ailleurs mais aussi à l’ensemble des Calédoniens, de la richesse de la mer.

Il faut des stratégies de développement, mais un des problèmes , c’est le nombre d’interlocuteurs. Les eaux territoriales, c’est-à-dire la bande des 22 km, sont sous la responsabilité des provinces, la ZEE, zone économique exclusive, est du ressort du gouvernement. Au niveau des secteurs, c’est la même chose : la marine marchande relève des transports, la plaisance ou les croisières du tourisme, etc.

à ce jour, il n’y a pas un interlocuteur unique. Il nous faudrait une sorte de « secrétaire d’État à la mer ».

DNC : Connaît-on la part du secteur maritime dans l’économie calédonienne ?

Lionel Loubersac : Malheureusement non. Seuls les secteurs de la pêche et l’aquaculture sont suivis au niveau statistique. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, les autres activités ne sont pas évaluées en termes économiques. L’un des projets du cluster est de travailler à la mise en place d’un observatoire économique de la mer, en partenariat la CCI, Chambre de commerce et d’industrie. La décision doit être prise prochainement.

Une des priorités doit être la plaisance et les métiers associés (entretien des bateaux, activités sportives), toute une activité en développement mais qui n’est pas chiffrée.

DNC : Est-ce que la crise que traverse le secteur du nickel pourrait aider les décideurs à prendre conscience du potentiel maritime ?

Lionel Loubersac : Indépendamment des problèmes du nickel, de toute manière, la mer est une richesse qui n’a pas été assez considérée. D’abord parce que l’on est sur une île et qu’on a tendance à l’oublier ! À un moment ou à un autre, l’activité économique dépend de la mer. Prenez la mine : le transport du minerai se fait pour la mer, les trois usines ont chacune un port et l’export du produit fini ne se fait pas par avion ! On a d’ailleurs des mineurs qui ont intégré le cluster.

 

DNC : Le cluster maritime souffle sa première bougie. Comment comptez-vous faire entendre votre voix ?

Lionel Loubersac : Nous avons travaillé pendant toute cette année en groupes, qui ont identifié chacun cinq à six pistes de développement par secteur d’activité. D’ici la fin de l’année, nous allons soumettre un rapport de synthèse aux décideurs politiques, et sur la base de ce rapport nous organiserons les premiers états généraux de la mer début 2016. Nous convierons le monde économique, les différentes administrations et services techniques, le pouvoir politique, mais aussi les associations et la société civile.

DNC : Quelles sont les pistes de développement à étudier, par exemple dans le secteur du tourisme ?

Lionel Loubersac : La Calédonie connaît aujourd’hui une explosion des croisières. La question est de savoir comment s’organiser pour générer un développement économique durable.  Pourquoi ne pas faire de Nouméa une « tête de pont » du croisièrisme comme c’est le cas en Polynésie ? Aujourd’hui, les Australiens passent deux jours en mer pour venir chez nous. On pourrait les faire venir par avion et donc créer de l’activité supplémentaire : un bateau de croisière, cela veut dire par exemple, des besoins en ravitaillement, en fioul, en entretien, etc.

DNC : Le cluster demande également une réflexion sur l’aménagement du territoire…

Lionel Loubersac : C’est une demande qui émane, entre autres, des aquaculteurs. L’aquaculture ne peut se développer que dans une eau pure et un milieu sain. Avec l’urbanisation, il y a ce que l’on appelle des « conflits d’usage ». Il faut planifier spatialement les activités marine et dire : là, ce sera du tout aquaculture, là, du tout nautisme, là, une réserve intégrale, etc.