Claude Cochonneau : « L’agriculture est une source de solutions »

Nous avons profité de la présence de Claude Cochonneau, le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, pour l’interroger sur les grandes problématiques qui traversent l’agriculture calédonienne, mais qui touchent également la Métropole. Le président de l’APCA, nouvellement élu, réalise un tour de l’ensemble des territoires français.

DNC : Qu’est-ce qui motive votre déplacement en Nouvelle-Calédonie ?

Claude Cochonneau : En tant que président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, on doit s’intéresser à toutes les agricultures et à tous les territoires français qui font de l’agriculture et c’est aussi le cas des territoires d’outre-mer du Pacifique. Il était donc normal que je vienne ici. Et pour moi qui suis agriculteur dans l’ouest de la France, j’ai appris ce matin, en trois heures de réunion, plus que ce que j’ai appris au cours de toute ma vie sur la géographie du Pacifique et son agriculture. Il y a vraiment un intérêt et c’est une marque de reconnaissance pour une agriculture différente, mais qui est très importante pour l’économie de ces territoires.

Que pourrait faire l’APCA pour aider l’agriculture calédonienne ?

On peut apporter de la technicité, mais nous pouvons aussi apporter notre réseau. L’idée est de faire profiter aux agriculteurs de Nouvelle-Calédonie les expériences des autres chambres, il y a des démarches intéressantes qui ont pu être initiées par ailleurs. La démarche d’échanges d’expérience actuellement engagés entre les chambres consulaires du Pacifique (lire par ailleurs) est aussi une démarche profitable. Il faut valoriser ce qui a été fait ailleurs et se l’approprier pour le transformer sur le territoire. Cet échange- là n’est pas préjudiciable, au contraire, c’est une source de richesses supplémentaires. En termes d’organisation et de fonctionnement, nous avons aussi des choses à apporter, mais nous avons aussi des idées à prendre ici pour les ramener en Métropole. C’est tout l’intérêt d’un réseau comme celui des chambres d’agriculture et on essaye de le faire à d’autres échelles, sur d’autres territoires. C’est aussi ce que l’on essaye de faire en Métropole entre régions, nous faisons la même chose.

Une partie de votre exploitation est bio. Depuis combien de temps vous êtes-vous lancé dans ce type d’exploitation ?

J’ai fini mes phases de conversion sur les premières parcelles que j’avais passées en bio donc aujourd’hui je produis des céréales et des fourrages bio, j’ai aussi des moutons bio. La vigne aussi est passée bio depuis deux ans.

Les conversions représentent un mouvement assez important en France, est-ce qu’il est bien accompagné par les chambres d’agriculture ?

La majorité des conversions sont aujourd’hui accompagnées par le réseau des chambres d’agriculture. On peut encore faire mieux même si nous ne sommes pas exclusifs. Mais nous, nous abordons le bio de manière très économique en disant « il y a un marché, il y a une demande des consommateurs pour le bio, il faut être en mesure d’y répondre ». Donc on ne le fait pas du tout de manière idéologique ou fantasmagorique, nous sommes vraiment sur une démarche économique qui vise à répondre aux attentes du consommateur et cette attente-là, on doit être en mesure de la satisfaire, donc à nous, chambres d’agriculture, d’être capables d’accompagner nos agriculteurs.

La Nouvelle-Calédonie va mettre en œuvre les plans issus du forum Agrinnov’. Avez-vous pu en prendre connaissance ?

Je l’ai parcouru rapidement, mais j’ai pu mesurer la volonté de la Chambre d’agriculture d’engager l’agriculture dans une transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement, voire dans la culture biologique. Je pense que ce mouvement-là est engagé par tout le réseau des chambres d’agriculture. Je crois que c’est une voie intéressante parce que cela va nous permettre d’anticiper la demande de la société. Le problème de l’agriculture, c’est que l’on ne change pas de cap comme dans d’autres activités. C’est une activité avec une rotation assez lente des capitaux et donc pour changer de cap, il faut du temps. D’où l’intérêt d’anticiper. Si l’on veut pouvoir offrir des produits bio et en quantité d’ici quelques années, c’est dès maintenant qu’il faut s’y prendre.

Récemment, un rapport du groupe international d’experts sur le climat (Giec) a montré les liens entre agriculture intensive et réchauffement climatique. Est-ce que finalement la question n’est pas là, de produire de manière moins intensive, qu’il s’agisse de bio ou non ?

Au niveau du réseau métropolitain, l’idée est de prendre les exploitations une par une et de voir comment, sans les changer profondément, faire en sorte qu’elles produisent davantage, avec moins d’intrants et en étant plus résilientes et plus respectueuses de l’environnement. Cela veut dire que l’on doit faire du cas par cas, pour chaque exploitation. C’est pour cela que l’on a décidé, au niveau national, de demander aux chambres d’agriculture de rencontrer l’ensemble des agriculteurs sur les trois ans qui viennent pour avoir cette première démarche et avant d’engager d’autres démarches un peu plus lourdes de réorientation de l’exploitation. C’est de l’économie, mais c’est aussi de l’agronomie. À l’avenir, on fera sans doute plus d’agronomie que par le passé. Cela va nous permettre d’utiliser moins d’intrants, notamment par rapport au stockage de carbone, sur des sujets comme ça, l’agriculture est une source de solutions. C’est comme cela qu’on le voit.

M.D.

©M.D.