Cantines : Des explications mais pas d’excuses

AFP PHOTO / ROMAIN PERROCHEAU

Le rapport des experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) mandatés par le gouvernement a été présenté la semaine dernière. Il met essentiellement en avant la responsabilité de Newrest mais également, dans une moindre mesure, des communes, des fournisseurs voir un certain laxisme des autorités sanitaires locales. En attendant que des améliorations soient apportées, et d’une éventuelle suite judiciaire, les Calédoniens devront se contenter de la divulgation de ces informations.

Jeudi 6 décembre. Après une année marquée par douze épisodes de toxi- infections alimentaires collectives (TIAC) entre mars et octobre dont 11 en milieu scolaire touchant 10 % des enfants exposés (158 enfants malades), des mois de rumeurs, d’inquiétude, d’interrogation, d’interruption des repas… la population a enfin obtenu la confirmation par les services de l’État des dysfonctionnements exposés ces derniers mois par les associations de parents d’élèves et les médias.

Le rapport des deux experts, Renaud Lailler (Anses) et Alain Guignard (ministère de l’agriculture), a été restitué aux services du gouvernement (Sivap, Dass), de la province Sud, des communes du Grand Nouméa, à Newrest et aux associations de parents d’élèves. Il met fin aux doutes, et pointe la responsabilité de chacun dans cette affaire.

Un rapport en guise de confirmation

C’est un rapport très complet qui a été réalisé malgré la courte durée de leur mission sur le territoire (cinq jours). Sans surprise, leur « enquête » mène tout droit à Newrest. Les intoxications alimentaires sont expliquées par un défaut d’hygiène au sein de la société.

Les dysfonctionnements sont nombreux, en voici un florilège : Les experts parlent de locaux vétustes avec des murs, sol, plafonds « fortement dégradés », des conditions de maintenance de la climatisation qui « méritent d’être réexaminés », une ventilation insuffisante dans certaines salles « puisqu’il y a présence de condensation et de moisissures ». La salle des épices (souvent porteuses de Bacillus cereus selon les résultats d’autocontrôle) a ainsi « les murs couverts de moisissures ». Des matériels « désaffectés » sont toujours en place, des ustensiles sont « inadaptés ou vieillissants » ne permettant pas facilement leur nettoyage et désinfection.

Les experts évoquent « un manque de rigueur au quotidien ». Ils ont ainsi trouvé de « gros saucissons fortement altérés » dans la salle réservée aux beurre-œufs-fromage, des « roues de chariot très salles », des « caisses à yaourts disposées dans le local dédié aux poubelles ou dehors ». On apprend par ailleurs qu’un personnel atteint d’une infection staphylococcique à la jambe a été « transféré tardivement à un poste de travail non sensible ». Les bonnes pratiques comme le port du masque ou le changement des gants, n’est pas suffisant.

Des problèmes d’autocontrôles sont également pointés du doigt : ils ne correspondent pas forcément aux procédures décrites ou ne permettent pas une représentativité suffisante. Les produits tests sont parfois exposés avec les produits personnels des employés. Enfin en matière de fonctionnement, il semble que les réajustements importants de dernières minutes sur les repas émanant des écoles soient légion constituant d’autres facteurs de risque. Les experts livrent toute une série de recommandations d’ores et déjà prises en compte par la société.

Responsabilités

Si Newrest est principalement mise en cause par ce document, les experts ont été exhaustifs dans leurs recherches. Ainsi ils évoquent d’autres dysfonctionnements dans la chaîne qui mène à la prise des repas. Ainsi la qualité des produits livrés par des sous-traitants n’est pas toujours satisfaisante. Il incombe également une part de responsabilité aux communes dont les cantines montrent également des défauts d’hygiène, de salubrité tant au niveau des locaux que du matériel. Le rapport fait aussi état d’un manque de communication entre les services sur les réclamations, les changements etc. À noter que les visites dans les cantines ont confirmé sans surprise un véritable problème au niveau des plateaux-repas, qui arrivent fréquemment sales, ou mouillés « suspectés d’être mal nettoyés sur le site Newrest ».

Un audit du Sivap demandé

Enfin le rapport pointe indirectement la responsabilité des autorités sanitaires, du Sivap, notamment en raison d’un manque de moyens et d’effectifs. Comme nous l’avions relevé dans nos précédentes éditions, avant même le rachat de la Restauration française par Newrest, les autorités sanitaires étaient conscientes de la situation très dégradée de l’entreprise et rien n’a été fait, et ce même après le début des premières intoxications alimentaires.

De ce fait, l’association Une cantine responsable pour nos enfants, qui travaille depuis le début de cette affaire à faire éclore la vérité, entend solliciter l’État « pour qu’un audit complet du Sivap soit réalisé par l’Inspection générale de l’administration ». Plus largement, l’Association livre une bien triste analyse du système qui a selon elle conduit à l’immobilisme des services et à ces épisodes. « Toute la question a été de préserver les intérêts économiques de la société » et « les changements de la nouvelle direction pour réaliser toujours plus d’économies ont conduit à une désorganisation de l’entreprise et à la perte de la maîtrise d’hygiène ». Le gouvernement serait en adéquation avec ce système et tout simplement réfractaire à la multiplication de petites entités permettant la production d’une cuisine familiale.

L’association Une cantine responsable pour nos enfants a demandé que le gouvernement et les services sanitaires présentent des excuses à la population « pour avoir failli à leur mission et pour pouvoir tourner la page de cette affaire qui outre d’avoir rendu des enfants malades, a eu de lourdes conséquences pour les familles et jeté le trouble sur la possibilité d’actes de malveillance ». Mais visiblement les Calédoniens devront se contenter de « la vérité sur le déroulement des faits ». Reste simplement une enquête de police toujours en cours après les multiples dépôts de plainte.

Pour la suite, il semble que les parties prenantes fassent preuve de bonne volonté. Un protocole spécifique d’intervention en cas de TIAC a été rédigé et Newrest s’est engagé à réaliser d’importants travaux. Mais même les experts mettent en doute la possibilité de les réaliser pendant le temps des vacances d’été. Les parents d’élèves assurent qu’ils resteront vigilants et que « le combat pour l’amélioration de la qualité des repas est loin d’être terminé ».

C.M.

©AFP

L’intégralité du rapport est consultable sur le site de la Davar : https://davar.gouv.nc