Cancer : le diagnostic chez l’enfant

La Journée internationale du cancer de l’enfant se déroule ce jeudi. Si en France 1 700 nouveaux cas sont dénombrés chaque année, la Nouvelle- Calédonie en compte une dizaine. Face à certains symptômes qui peuvent paraître anodins, parents, pédiatres et médecins traitants doivent être vigilants.

Le cancer est la deuxième cause de mortalité chez l’enfant dans les pays développés après les accidents, selon la dernière étude du Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), l’agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé. Cette étude suscite des interrogations dans les services sanitaires et souligne que la fréquence des cancers chez les enfants est 13 % plus élevée dans les années 2000 que dans les années 80. En Nouvelle-Calédonie, on ne peut pas savoir s’il en est de même, faute de recul suffisant. Les premiers chiffres publiés consultable à la Dass remontent à 2008 et la dernière étude en 2014. En comparant les chiffres sur cette courte période, on remarque que la fréquence des cancers chez les enfants baisse : en 2008, sur 698 tumeurs invasives détectées pour l’ensemble de la population, 1,6 % touchait des enfants de moins de 14 ans, soit 11 enfants. En 2014, sur les 868 tumeurs, 0,6 % concernait des enfants, soit 5 enfants.

Rappelons qu’à l’échelle mondiale, le cancer le plus répandu jusqu’à 14 ans est la leucémie, avec presque un tiers des cas, suivie par les tumeurs du système nerveux central (20%) et les lymphomes.

Faire attention aux symptômes

Pour aller plus loin dans la lutte contre le cancer chez l’enfant, le professeur Olivier Hartmann, porte-drapeau des oncologues, reconnu mondialement et chef du département d’oncologie pédiatrique à Gustave-Roussy ( Villejuif ) – le premier centre européen d’oncologie pédiatrique – pro te de cette journée pour interpeller dans la presse spécialisée, les pédiatres et les médecins traitants. En leur rappelant qu’il y a des signes pouvant alerter et que, face à certains symptômes qui peuvent paraître anodins, ils doivent penser à effectuer un examen approfondi de leurs jeunes patients a n d’écarter un éventuel diagnostic de cancer. « Un pédiatre va très difficilement penser au diagnostic de cancer en raison de la faible fréquence de cette pathologie chez l’enfant. Statistiquement, un pédiatre risque d’être confronté une seule fois à un cancer en 30 ans de carrière », précise-t-il. Pourtant, si un tiers des cancers de l’enfant sont facilement décelables tels que la leucémie (voir encadré) ou certaines tumeurs qui se manifestent par des boules dans l’abdomen, détectées par un gros ventre, les deux tiers restants ne le sont pas, indique le spécialiste. Les autres cancers sont di cilement repérables au premier abord, car ils se traduisent par des symptômes non spéci ques tels que des maux de ventre, de tête ou autres douleurs. « Toutefois, dans le cas d’un cancer, ces symptômes sont rarement isolés et le médecin doit chercher d’autres clés », explique l’oncologue pédiatrique.

Des moyens utiles pour repérer un cancer

Dans ses interventions, le spécialiste a donc choisi de présenter des moyens utiles pour aider les pédiatres et les médecins traitants à déceler un cancer chez l’enfant ou l’adolescent. Des attitudes, comportements chez l’enfant qui peuvent bien évidemment pousser les parents à consulter.

• Face à un nourrisson qui se présente avec des vomissements, la mesure du tour du

crâne permet de détecter une éventuelle augmentation du périmètre qui constitue un élément susceptible de faire penser à une tumeur et nécessitant des examens supplémentaires.

• Chez un enfant qui commence à marcher, des chutes à répétition peuvent indiquer une compression de la moelle épinière, dont la première origine est une tumeur.

• Les douleurs articulaires chez l’enfant, qui évoquent souvent une maladie rhumatismale rare, peuvent être le signe d’un cancer métastatique. L’oncologue donne souvent cet exemple, repris dans la presse, de l’adolescent sportif qui se présente chez son médecin de famille avec des douleurs au genou. « Dans ce cas, il est fréquent d’évoquer le sport comme origine du symptôme et pourtant un examen clinique approfondi et éventuellement une radiographie sont nécessaires pour écarter le diagnostic de cancer. »

En conclusion, le Pr Hartmann précise que l’élément clé repose sur l’examen clinique et l’interrogatoire approfondi du patient. En cas de suspicion de cancer, le médecin doit informer le patient des examens complémentaires nécessaires et l’adresser à un service hospitalier de proximité ou spécialisé. « Un enfant sur deux atteints de cancer arrive tardivement en consultation chez un spécialiste, souvent après plusieurs consultations antérieures et avec des douleurs non soulagées », témoigne le spécialiste.


Des caractéristiques propres

Les cancers pédiatriques présentent des caractéristiques propres. Alors que les adultes développent principalement des carcinomes (cancers qui se développent à partir de tissu épithélial type peau), ce type de cancer est très peu fréquent chez les enfants. Chez les moins de 15 ans, on rencontre principalement des leucémies et des lymphomes, des cancers du système lymphatique et des tumeurs dites embryonnaires. Ces dernières se forment au niveau d’organes ou de tissus en développement et une même tumeur maligne peut avoir des composantes pluritissulaires. Ces di érences expliquent la rapidité souvent extrême de leur croissance, en quelques semaines, parfois en quelques jours, qui n’est cependant pas proportionnelle à leur gravité. Elle est due à forte proportion de cellules en division dans ces tumeurs. Autres particularités de ces cancers : l’arrêt spontané de croissance de certaines tumeurs. C’est par exemple le cas de certains neuroblastomes du très jeune nourrisson, qui régressent parfois spontanément.


La leucémie

Il s’agit d’un cancer qui prend naissance dans les cellules souches du sang. Elles se développent dans la moelle osseuse (l’usine à fabriquer le sang), qui se trouve dans tous nos os (à ne pas confondre avec la moelle épinière) et qui produit quotidiennement des milliards de cellules sanguines (les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes). Ces cellules sanguines maturent progressivement dans la moelle osseuse avant de migrer dans le sang périphérique. Dans le cas d’une leucémie, il se produit un dérèglement au niveau de l’ADN et des protéines de ces cellules qui les empêche de mûrir et les pousse à se diviser sans arrêt. Le nombre de ces cellules jeunes, incapables de remplir leur fonction immunitaire, devient tellement important qu’elles envahissent le sang et les autres organes et empêchent la moelle osseuse de produire en quantité sffisante les globules rouges et les plaquettes.

CS