Avant Valls, l’UC balise le terrain

C’est dans le grand Nord, à la tribu de Titch sur la commune de Poum, que l’Union calédonienne a tenu son comité directeur le week-end dernier À l’ordre du jour, à moins d’une semaine de l’arrivée du Premier ministre, le corps électoral et l’avenir institutionnel mais aussi l’affirmation par Daniel Goa, le président du parti, d’une stratégie à conduire dans l’optique de l’accession à la pleine souveraineté.

Ni inflexion, ni compromis, dès les premiers mots de son discours d’ouverture, Daniel Goa le réaffirme haut et fort, histoire que le message soit clairement audible pour tous : la mission de l’Union calédonienne est de conduire le pays vers l’indépendance.
Toutes les réflexions, qu’elles concernent la mine, la métallurgie, le développement économique ou la gestion du dossier des corps électoraux, doivent être menées dans ce but ultime. C’est donc à l’aune de ce principe qu’il faut comprendre toute les actions et les prises de position du parti et notamment ces jours-ci lors de la visite de Manuel Valls.

Sur la question du corps électoral, par exemple, dans un souci de « crédibilité », l’Union calédonienne a de nouveau confirmé la position adoptée à Paris au dernier Comité des signataires à savoir que le dossier était politiquement clos et de balayer les récentes polémiques : « Quelques recours, exercés à titre individuel par nos militants sont en cours, mais sur le fond, nous avons le périmètre de notre citoyenneté ». Et c’est justement là que l’Union calédonienne doit faire porter le plus gros de ses efforts. Car, s’ils ne le disent pas de manière explicite à leurs militants, les responsables du plus vieux parti politique calédonien le savent bien, pas plus aujourd’hui qu’hier le rapport de force dans la perspective d’un scrutin d’autodétermination ne leur est pas favorable.

Ce constat implique deux conséquences directes. L’une, à très court terme, qui consiste à exiger l’inscription automatique et sans autre condition de tous les Calédoniens relevant ou ayant relevé du statut coutumier, l’autre, à moyen terme, de tenter de persuader les abstentionnistes, notamment les jeunes kanak, de se rendre massivement aux urnes le jour du référendum pour tenter d’inverser la tendance. Cette prise de position sans surprise fait passer au deuxième plan ce qui avait été jusqu’alors la stratégie globale du FLNKS, à savoir convaincre suffisamment de citoyens non-indépendantistes que le projet de société proposé dans l’optique d’une indépendance de la Nouvelle-Calédonie était à la fois crédible et possible.

Pas de retour en arrière

Or, c’est justement le projet de société qui fait pour l’instant défaut et Daniel Goa le concède quand il déclare que les travaux en cours « doivent démontrer que notre projet de souveraineté est viable et que nous avons des solutions innovantes et pragmatiques ». Pour l’heure, l’innovation annoncée comme le pragmatisme reste à démontrer. C’est pourquoi les arguments proposés sont du domaine de la formule et du vœu pieux et évoquent, pêle- mêle, le dépassement de l’horizon colonial, la panacée que constituerait le transfert des compétences régaliennes ou l’émancipation comme formule magique et solution à toutes les problématiques économiques et sociales.

Pourtant, il est bien un point où l’UC est dans le vrai, les concessions mutuelles qui ont permis en 1988 et 1998 les signatures des accords de Matignon puis celui de Nouméa marquent des évolutions irréversibles ; c’est d’ailleurs tout le sens, entre autres, des transferts de compétences mis en œuvre à partir de 1999. En revanche, l’Accord de Nouméa, limité dans le temps, a permis d’instituer des mesures d’ordre transitoire, comme le gel du corps électoral, et ce n’est d’ailleurs qu’au seul motif qu’elles sont transitoires qu’elles ont pu être mises en place. Il ne s’agira donc pas, dans les mois qui viennent, de revenir en arrière mais de prendre en compte cette réalité pour donner à la Nouvelle- Calédonie un nouveau statut.

Ce comité directeur de l’UC aura enfin été l’occasion pour son président d’un nouveau recadrage cinglant, en interne d’abord, pour réaffirmer qu’une seule structure est habilitée à s’exprimer en son nom et qu’il n’existe aucune place pour des prises de position personnelles. Le message vaut aussi pour l’État et l’Union calédonienne a réaffirmé à Titch qu’elle n’accepterait de participer aux discussions futures qu’avec des interlocuteurs préalablement « validés » par les instances du parti.

C.V.

Photo : UC