Annick Girardin aux Outre-mer : un accueil frais en Calédonie, sauf pour certains…

Entrainée par des médias plutôt complaisants à l’égard de Macron, l’opinion publique métropolitaine loue l’ouverture du gouvernement Philippe aux non-politiques. Surtout parce qu’elle y retrouve des gadgets un temps adulés comme Nicolas Hulot ou « la guêpe », alias Laura Flessel. Rien de tel pour Annick Girardin, la nouvelle ministre des Outre-mer, qui, à 52 ans, a traversé deux gouvernements Valls avant de se recycler dans celui d’Edouard Philippe.

Emule de Valls. – D’abord secrétaire d’Etat chargée de développement de la Francophonie dans le premier gouvernement de Manuel Valls, cette éminente membre du Parti radical de gauche (PRG), qui compte peu d’élus, survit au remaniement de février 2016 et devient ministre de la Fonction publique.

L’élue de de Saint-Pierre et Miquelon. – Née à Saint-Malo, cité des corsaires et des morutiers, Annick Girardin s’installe à Saint-Pierre et Miquelon, une collectivité française au sud de Terre-Neuve et au large de l’embouchure québécoise du Saint-Laurent. Titulaire d’un diplôme d’animatrice socioculturelle, elle y entame sa carrière professionnelle, très vite supplantée par son ascension politique au sein du PRG, depuis son élection comme conseillère territoriale de l’archipel.

Gare aux deux Girardin ! – La ministre qui le reste doit certainement son maroquin à ses compétences ultra-marines, mais aussi pour avoir appelé à « voter utile », c’est-à-dire Macron, avant le 1er tour de la présidentielle. Pour la petite histoire, précisons qu’Annick Girardin n’a aucun lien de parenté avec Brigitte Girardin, ministre de l’Outre-mer sous Chirac, bien que cette dernière ait aussi appelé à voter Hollande plutôt que Sarkozy. Mais c’était en 2012.

Un accueil frais en Calédonie. – L’accueil de la nouvelle ministre des Outre-mer par la classe politique calédonienne est plutôt frais et parfois hostile. Modulé toutefois, entre celles et ceux qui avaient appelé à voter Macron et les autres qui lui reprochaient « la déficience de France dans son programme ». Mais il y a des exceptions.

Des éloges – Ainsi, Philippe Gomès, est très réservé sur la composition du gouvernement qu’il qualifie « de transition », conscient que le « vrai gouvernement n’interviendra qu’une fois le scrutin législatif clos » et ses conséquences tirées. Pour autant, le député sortant de la 2e circonscription ne tarit pas d’éloges sur Annick Girardin : « Travailleuse, impliquée et connaissant parfaitement ses dossiers. C’est, dit l’élu Calédonie ensemble, quelqu’un de qualité avec qui j’ai eu plaisir à travailler à l’Assemblée nationale : un excellent choix pour l’Outre-mer en général et pour la Nouvelle-Calédonie en particulier ».

Goa heureux. – Même tonalité chez le patron de l’UC, Daniel Goa, qui reconnait en elle « une socialiste et lui souhaite la bienvenue dans le Pacifique et en Nouvelle-Calédonie en particulier ». Ses alliés du Palika au FLNKS sont moins dithyrambiques et attendent des actes, comme le souligne Charles Washetine, qui souligne « qu’il ne faudrait pas prendre de retard dans le calendrier de préparation du référendum d’autodétermination et que l’on puisse bien poser la question essentielle de l’Accord de Nouméa dans les temps ! ».

Roch plus perfide. – Roch Wamytan, toujours prêt à tester « jusqu’où on peut aller trop loin », comme disait Lénine, s’inquiète « qu’une métropolitaine ait pu épouser la cause d’un territoire insulaire comme Saint-Pierre et Miquelon ». En clair : comment un zoreille peut se prévaloir des Outre-mer. Et se demande, quelle lecture la ministre fera du processus de décolonisation en cours en Calédonie…

La droite derrière Baroin. – Chez les loyalistes, qui n’avaient pas appelé à voter directement pour Macron, la lecture, tant du gouvernement que de la nomination d’Annick Girardin, est plus claire. Conforme aux déclarations de leur chef de file pour les législatives et lui aussi, un temps ministre de l’Outre-mer.

Le gouvernement, une mare aux canards. – Ainsi pour le sénateur Pierre Frogier, ce gouvernement « n’est pas celui de la France, il s’agit d’une équipe de campagne » rassemblée par Macron « pour tenter de remporter les élections législatives en affaiblissant la droite et le centre ». De tout, « il y a de tout dans ce gouvernement : on se demande comment ils vont cohabiter », s’exclame pour sa part Harold Martin. « Une vraie mare aux canards ! », ponctue-t-il.

Frogier analyse. – Le sénateur ne fait pas dans le détail : « Après avoir eu un ministre de la Guadeloupe, l’autre des Antilles, le dernier de la Réunion, il fallait bien choisir quelqu’un de Saint-Pierre et Miquelon pour faire plaisir à tout le monde : tout ceci n’est pas sérieux. On se doute bien que derrière tout cela il n’y aucune ambition politique ! » Pour lui, le vrai gouvernement de la France sera connu après le résultat des élections législatives.

Martin incise. – Le maire de Païta, opposé à Philippe Gomès dans la 2e circonscription est plus tranchant encore : « C’est une élue de Saint-Pierre et Miquelon aux confins du Canada et des courants arctiques : Annick Girardin n’y connait rien à la Calédonie ! Elle laissera faire d’autres… » Et de conclure : « C’est bien ce que je craignais. A ce compte-là, Victorin Lurel sera ministre des Antilles et Alain Christnacht ministre du Pacifique. Bref, l’indépendance-association est en marche ! ». Dès lors, si on le suit, on comprend mieux les éloges de Gomès…

M.Sp