Alzheimer : « Accompagner les aidants »

France Alzheimer Nouvelle- Calédonie lancera ses opérations de communication le mois prochain lors d’une journée récréative aux Cerisiers bleus. L’occasion de faire un point sur l’association et les actions qu’elle mène, avec son président Pierre Démené.

DNC : France-Alzheimer Nouvelle- Calédonie a été créée en 2002. Quels sont les champs d’action de l’association ?

Pierre Déméné : L’association est aujourd’hui composée d’une trentaine de bénévoles. Notre rôle est d’améliorer la prise en charge des malades d’Alzheimer, de faire reconnaître cette maladie encore mal comprise et acceptée, d’accroître la mobilisation des Calédoniens, des institutions, de partenaires. Grâce à notre mobilisation, en 16 ans d’activité, des structures d’accueil ont fleuri, les malades sont mieux suivis. Nous mettons en place des suivis psychologiques, des réunions entre malades, des opérations de sensibilisation.

Est-ce que vos actions suffisent à mieux faire connaître la maladie et à offrir aux malades et leurs familles ce qu’ils attendent ?

Non, loin de là. Même si nous mettons des personnes spécialisées et dynamiques au service des malades et leurs familles, nous sommes conscients que cela n’est pas suffisant. Malgré un partenariat avec le CHT ou d’autres organismes de santé qui sont en lien avec ceux qui « subissent » la maladie d’Alzheimer, nous faisons le constat que beaucoup de malades et surtout leurs familles, leurs proches n’osent pas nous contacter, surtout en province Nord. Ils préférèrent tenter de gérer leur situation de manière autonome et ils en souffrent.

Que faut-il faire et quelles sont les solutions ?

Pour gérer au mieux, il faut partager sa maladie avec d’autres malades pour savoir comment l’aborder, comment la vivre au mieux. C’est ce que nous faisons en organisant des rencontres entre malades, des haltes relais que nous avons baptisées « Le coin de Julie ». Mais le principal problème, ce sont les aidants. En grande majorité, les familles ou les proches d’un malade ne savent pas comment aborder la situation. C’est très difficile de s’occuper d’une personne souffrant d’Alzheimer, on est démuni. On cherche à faire de son mieux et on s’enlise dans les difficultés. Résultat : c’est souvent trop tard et on craque. Alors cette année, plus que jamais, nous avons choisi d’axer nos opérations de sensibilisation sur les aidants.

Comment votre association peut-elle les aider ?

Avant tout, nous sommes là pour leur dire qu’ils ne sont plus seuls, que nous existons et que nous avons les moyens de soulager leur quotidien. Il ne faut surtout pas qu’ils hésitent à pousser notre porte, car nous avons les clés de leur mieux être. Nous avons les solutions qui vont surmonter toutes les difficultés qu’ils peuvent rencontrer avec le malade. Concrètement, une psychologue fait d’abord un bilan de situation avec le malade et son ou ses aidants – conjoint, proche ou famille – puis nous mettons en place un plan d’action avec des formations et un suivi. Nos formateurs vont leur expliquer ce qu’est vraiment la maladie, son évolution dans le temps, comment la gérer. Nous faisons des mises en situation dans les groupes de travail. Le but est de surmonter avec le plus de facilité la maladie de son proche. Nous organisons aussi des réunions entre aidants pour discuter, échanger sur sa propre expérience d’aidant.

En octobre 2017, votre association a remis aux pouvoirs publics un livre blanc avec six thèmes et 29 propositions pour lutter contre la maladie d’Alzheimer. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Ce livre blanc avait été demandé par le président de l’Union nationale de France Alzheimer, Joël Jouen, lors de sa venue l’an dernier avec l’objectif de faire des propositions concrètes pour répondre aux besoins des personnes malades et leurs familles. C’est ce que xe notre livre blanc qui est entre les mains du gouvernement. Il faut une bonne fois pour toutes que le dé du vieillissement cognitif soit relevé. Le pays ne s’est pas doté de dispositifs de prise en charge en quantité et qualité suffisantes. D’importants efforts sont donc à mener. Relevons ce défi , car bien vieillir n’est pas un luxe.

Pour bien fonctionner, vous avez besoin d’aide, de dons, de subventions. Quelle est votre position sur ce point quand on sait que beaucoup d’associations du territoire peinent à survivre ?

Nous ne sommes pas épargnés et pourtant, France Alzheimer Nouvelle-Calédonie test une association d’utilité publique. Les subventions sont toujours là, mais l’avenir semble inquiétant quand l’on voit ce qui se passe pour d’autres. Nous avons la chance d’avoir des partenaires privés fidèles comme le consulat d’Indonésie, le CCAS de Nouméa ou le Château royal. Ce qui nous manque, ce sont des bénévoles. Nous avons besoin de personnes dans le Sud, mais aussi sur le Nord et aux îles. Des personnes qui accompagnent les familles et les malades dans leur quotidien.

Vous lancez votre campagne de sensibilisation avec une opération aux Cerisiers bleus ?

Il s’agira d’une journée récréative menée conjointement avec la Croix-Rouge au pro t des résidents des Cerisiers bleus. L’association tiendra un stand et des animations seront proposées de 9 à 13 heures, juste de quoi être en forme pour le carnaval de Nouméa qui se déroulera le même soir. La fête avant la fête en quelque sorte. Des danses folkloriques, des animations musicales, des repas préparés par le consulat d’Indonésie, un concours de pêche à la ligne et des jeux de massacre seront là pour la plus grande joie du public, petits et grands, jeunes et moins jeunes. On vous attend !


Alzheimer en quelques mots

La maladie d’Alzheimer est une dégénérescence neurologique incurable liée au vieillissement qui a ecte les capacités cognitives dont la mémoire. 8 660 personnes sont concernées sur le territoire (aidants familiaux et professionnels) dont 2 000 malades et environ 250 nouveaux cas diagnostiqués par an.


Une maladie qui fait peur

L’Alzheimer arrive en deuxième position des maladies qui font le plus peur aux gens (20 %), derrière le cancer (38 %) et à égalité avec l’accident vasculaire cérébral (AVC). 49 % des Français connaissent au moins une personne atteinte et 66 % ont peur d’être un jour eux-mêmes touchés par cette maladie, selon un sondage Ipsos réalisé l’année dernière auprès de 1 058 personnes pour La Croix, Notre Temps et la fondation pour la recherche sur Alzheimer. 5 % des personnes interrogées estiment être mal informées sur la maladie en général, 61 % sur ses symptômes et 66 % sur les professionnels de santé à consulter en cas de suspicion de la maladie.

C.S