Allaitement : la Calédonie loin des recommandations de l’OMS

Le 29 mars sera la Journée mondiale de l’allaitement. Une pratique qui apparaît comme naturelle pour la plupart des femmes qui viennent d’avoir un enfant, mais qui ne coule pas de source pour d’autres. Et en matière d’allaitement, la Calédonie est à la traîne.

La question des bienfaits de l’allaitement n’est plus à poser tant il a été démontré par les médecins. Allaiter renforce les défenses immunitaires, la mère transmettant ses propres anticorps à l’enfant appelés IgA (immunoglobulines A), dont est particulièrement chargé le colostrum, ce liquide produit par les glandes mammaires durant la dernière partie de la grossesse et les premiers jours de l’allaitement. Pour aller plus loin, les différentes études médicales ont démontré qu’allaiter rend la muqueuse de l’intestin du bébé imperméable aux agents infectieux. D’où des avantages innombrables sur la santé des enfants allaités, à l’intensité proportionnelle à la durée de l’allaitement. Les résultats sur le sujet montrent que les bébés nourris au sein ont dix fois moins de chances d’être hospitalisés pendant la première année que les bébés nourris au biberon, cinq fois moins de risques d’être touchés par des gastro-entérites et subissent trois fois moins d’affections diarrhéiques et donneront des enfants moins sujets aux allergies. Autre bienfait, le lait maternel possède des composants nutritionnels essentiels, qui s’adaptent dans sa composition au fil de la tétée : d’abord la boisson, eau et sels minéraux, dotée de petites protéines maternelles sucrantes, anti- infectieuses et enzymatiques, et le lactose. Puis, les caséines et, enfin, les graisses. C’est pourquoi la seule nourriture au sein est suffisante, au moins la première année.

Le caractère « anti-obésité » du lait maternel est également un fait avéré. D’après des études britanniques, l’allaitement maternel suivi pendant au moins six mois réduirait le risque de surpoids chez l’enfant de plus de 30 % et celui d’obésité véritable de plus de 40 %. Car, très gras, les lipides contenus dans le lait humain freinent la multiplication des cellules pendant les premières années de l’enfant. Par ailleurs, un bébé allaité régule seul son appétit, contrairement à celui nourri au biberon.

Derniers bienfaits de l’allaitement, il permet un rapprochement émotionnel avec l’enfant, c’est la nourriture affective par excellence selon les psychologues.

Les bienfaits pour la maman

L’OMS ajoute, pour sa part, deux points essentiels pour la mère : l’allaitement est gratuit et plus pratique que le biberon, il permet aussi à la maman de se remettre plus rapidement de l’accouchement. La tétée et les contractions utérines provoquées diminuent les risques d’hémorragie et aident l’utérus à reprendre plus vite sa taille, sa forme et sa tonicité. Et donc à retrouver plus rapidement un ventre plat. Un atout encore plus crucial pour une femme qui a subi une césarienne. Enfin, l’allaitement est considéré comme un véritable anti-déprime pour la jeune maman, de par les endorphines secrétées au moment de la tétée. Pour couronner le tout, des études récentes montrent que l’allaitement contribue à faire diminuer de près de moitié les risques de cancer du sein, qu’il a aussi un rôle préventif des cancers de l’ovaire, de l’ostéoporose à la ménopause, ainsi que des infections urinaires et de l’endométriose. Par ailleurs, la phase d’allaitement correspond souvent à une rémission de maladies chroniques comme la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et la sclérose en plaques.

La Calédonie a du chemin à faire

Les chiffres en matière d’allaitement concernant la Calédonie sont bien loin des recommandations des campagnes mises en avant par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconise six mois d’alimentation exclusive au sein à poursuivre jusqu’aux 2 ans de l’enfant, associée à la diversification alimentaire. Le médecin-conseil du CHT Magenta, Sarah Ong, indiquait, en se basant sur les dernières études sur l’allaitement en province Sud, « qu’environ 75 % des femmes allaitent à la sortie de la maternité, 35 % à six semaines et entre 3 et 1 % à six mois. Un taux qui est en deçà de la province Nord, car les femmes travaillent plus dans le Sud. Elles doivent reprendre le travail et ne peuvent donc pas allaiter comme elles le souhaiteraient ». En province Nord justement, selon les centres médicaux sociaux, 90 % des femmes allaitent à la sortie de la maternité et ne sont plus que 51 % à la fin du premier mois du nourrisson. Ce pourcentage tombe à 33 % lorsque le bébé atteint quatre mois. On est donc loin sur les deux provinces des attentes de l’OMS et les six mois d’allaitement.

Pour augmenter le nombre de femmes allaitant leur enfant, et pour qu’elles le fassent durant les six mois de recommandation, il faut, selon Angéline de SOS allaitement en Nouvelle- Calédonie, « veiller à être bien entourée, s’informer par rapport aux croyances ou idées reçues sur l’allaitement, mais encore pratiquer plutôt un allaitement à la demande (voir encadré) ». À ce titre, SOS allaitement publie un livret distribué gratuitement chez les sages-femmes et maternité. Une permanence téléphonique 7 jours sur 7 (94 31 49) est également proposée et des réunions mensuelles à la Maison de la famille sont organisées pour rencontrer les mamans.

Celles qui sont contre

Pour la grande majorité des sages-femmes, beaucoup de nouvelles mamans avancent qu’elles n’allaitent pas parce que cela leur fait des crevasses aux seins, qu’il y a engorgement, qu’allaiter fait mal, que c’est difficile à gérer si on a trop de lait ou encore qu’il est difficile d’allaiter dans un lieu public ou au travail et que le lait artificiel est aussi bien. Les sages- femmes, comme les médecins, répondent à leurs affirmations concernant la douleur, qu’allaiter peut être difficile les deux premiers jours, car il faut que la peau du mamelon s’habitue à être fortement aspirée par la succion. Cette gêne disparaît avec le temps.

Concernant les crevasses, pour les éviter, les médecins rappellent qu’il faut respecter une bonne position de bébé, terminer la tétée en mettant un peu de lait de fin de tétée sur le mamelon, car il a une action cicatrisante et désinfectante. Enfin, qu’il faut laisser les seins à l’air le plus souvent possible. L’engorgement du sein peut se régler en mettant plus souvent bébé au sein. Pour le monde médical, allaiter n’est donc qu’une question de disponibilité et de volonté. Difficile quand la femme reprend son travail. Enfin, concernant le lait artificiel, les spécialistes sont unanimes, il ne remplace en aucun cas le lait maternel mais peut être un bon complément.


L’allaitement à la demande

A la différence de l’allaitement horaire, il s’agit d’allaiter de façon à répondre aux besoins du bébé qui varient dans le rythme et dans le temps, mais aussi en respectant la physiologie de la lactation. Autrement dit, un bébé doit avoir accès au sein sans restriction pour la simple et bonne raison que c’est l’unique façon de répondre à ses besoins et d’assurer à sa mère de produire assez de lait pour nourrir. Allaiter selon un horaire, c’est risquer à plus ou moins long terme de ne pas avoir assez de lait pour répondre aux besoins du bébé. Il est vrai que l’allaitement à la demande peut être contraignant pour la mère, surtout si elle travaille, tellement la demande du bébé est prenante de jour, comme de nuit.

C.sch