À mi-parcours Édouard Philippe a rassuré et même souvent convaincu

Le Premier ministre était très attendu sur sa lecture, donc celle que l’État appuierait, de la consultation référendaire et sur la question posée aux Calédoniens. En 48 heures sur le territoire, Édouard Philippe n’est pas sorti d’un millimètre des clous de l’Accord de Nouméa. Ce qu’il devrait confirmer, mardi devant le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Mais l’essentiel a déjà transpiré…

Au début, des inquiétudes. – À n’en pas douter le paysage politique calédonien n’était pas des plus apaisés à son arrivée : certains à l’UC se disaient « déliés de parole des Anciens » après le référendum, les élans souverainistes de Philippe Gomès avaient certes permis de débloquer in extremis la situation au gouvernement, mais posaient question à la famille non-indépendantiste. Comme à l’État qui s’inquiétait d’un « partage des compétences régaliennes » qu’interdit la Constitution. Et qui aurait de néfastes conséquences au plan intérieur : la Corse pour ne citer qu’elle…

Une stratégie en deux temps. – En plus et à la différence de Manuel Valls, son prédécesseur de Matignon en visite sur le territoire, Édouard Philippe ne venait pas avec quelques milliards en poche pour « sauver » l’emploi dans les usines métallurgiques ! Alors, pour déminer le Caillou, le Premier ministre a agi en deux temps.

« Calme ! ». – Au premier temps de sa visite son maître mot, qu’il a répété et asséné à toutes les occasions protocolaires ou non, a été « calme ». « Je veux, a-t-il décliné sur tous les tons, un climat calme et serein propice à la bonne tenue du référendum afin que son résultat soit garanti, incontesté et incontestable ». Les mots, empruntés aux uns et aux autres, mais à des moments divers, convenaient à la totalité de l’échiquier politique calédonien. Ils étaient incontestables et dignes d’un État partenaire de l’Accord, de sa sortie et sa suite… « le jour d’après », comme on dit.

Au Congrès de fixer la date ! Non ? – La rencontre avec les groupes de travail du Comité des signataires, à la résidence du haussaire, a marqué un second temps. Pour le Premier ministre, c’est clair : ce serait plutôt au Congrès de fixer le jour de la consultation référendaire ; et plus encore ce serait à lui aussi d’en rédiger la question. Bien sûr, selon les termes fixés par l’Accord de Nouméa et connus de tous : pour ou contre l’indépendance ou la pleine souveraineté, c’est affaire de goût, puisque la signification est la même !

Pour Macron, aussi. – Bien sûr en cas de défaut, l’État prendrait le relais. Mais Édouard Philippe préfère certainement que le Président Macron puisse venir en avril ou mai 2018 en disant devant au Congrès : « L’État entérine le libellé de votre question et la date que vous avez choisie, plutôt que l’État a décidé que… ». Évidemment, les Calédoniens ne peuvent que souscrire à cette démarche.

« Intenses discussions ». – Pragmatique néanmoins, Édouard Philippe, qui a été semble-t-il séduit par l’idée de « grand palabre » développée par Pierre Frogier, souhaite parallèlement que toutes les formations politiques, et pas seulement les signataires de la plateforme qui excluent Les Républicains calédoniens, puissent se pencher sur le statut réel de la Nouvelle-Calédonie au lendemain du référendum. Quelle qu’en soit l’issue. C’est pourquoi, il promet que l’État organisera « d’intenses réunions de discussions et d’exploration ». Mais pas de signature de quoi que ce soit « avant la tenue du scrutin et le verdict des Calédoniens dans les urnes ». Un camouflet pour le patron de Calédonie ensemble qui souhaitait que chacun s’engage sur un document avant le référendum : article 27, partage de souveraineté sur ci ou ça…

Trois points. – La position du Premier ministre reprend sensiblement les propositions évoquées par Sonia Backes, des Républicains calédoniens, au début de cette réunion de travail : « Premièrement, la nécessité d’une question claire sur l’indépendance ou le maintien dans la France. Deuxièmement, une opposition aux transferts de l’article 27 qui mèneraient la Nouvelle-Calédonie tout droit vers une forme de République bananière (perte de liberté de la presse, contrôle de légalité partial, non-respect des décisions de justice…). Troisièmement, une volonté de dialoguer avant le référendum de ce qui nous rapproche (pour éviter si possible les 2e et 3e référendums) en rejetant les propositions de déclaration commune visant à nous rapprocher d’une forme d’indépendance ou de souveraineté partagée ».

La clarté du discours du Premier ministre rassure tout autant les formations indépendantistes, qui ont horreur des postures mouvantes et préfèrent de loin avoir affaire à un discours structuré à l’intérieur d’un cadre juridique posé et clair. C’est ainsi qu’ils ont reconnu en Jacques Lafleur leur seul interlocuteur crédible. À ce propos, on retiendra aussi de ces premiers jours d’Édouard Philippe sur le territoire, sa halte devant le mausolée de Jacques Lafleur au cimetière du PK4, en présence de ses enfants, de Marie-Claude Tjibaou, et du message passé par, Isabelle Lafleur au Premier ministre : « Jean-Marie Tjibaou et mon père nous ont montré le chemin qu’il faut suivre si l’on veut que cette nouvelle page de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie s’écrive dans la paix ».

M.Sp.

Photos: DNC-MD