2018 : avant le référendum, un calendrier politique chargé

Pour chaque Calédonien, 2018 sera bien sûr l’année du référendum d’autodétermination prévu, a priori, le dimanche 28 octobre. Mais les six prochains mois seront denses en événements politiques d’importance et souvent pas neutres pour la suite… Décryptage.

Janvier : récession budgétaire au menu. – Le budget 2018 de la Nouvelle-Calédonie sera débattu et voté au Congrès le mardi 23. D’ores et déjà, la dégringolade des recettes fiscales, la fonte des investissements, alors que dérapent les frais de personnel et de fonctionnement et que les ponctions dans les caisses des établissements publics comme l’OPT ou le port autonome deviennent une habitude, Les Républicains calédoniens dénoncent « la gestion à courte vue » de la plateforme gomésienne. Seul le secteur public progresse et donne l’illusion d’une embellie sur le front de l’emploi : mais ce sont les Calédoniens qui en payeront, tôt ou tard, la facture sur leur feuille d’impôts. Dans le privé, les destructions d’emplois sont encore de mise.

Aucune inflexion de la politique économique n’est perceptible. Pire encore : dans ses projections sur l’année, le gouvernement Germain fait comme si la « marche à blanc » de la TGC allait continuer ad vitam, comme un impôt supplémentaire. Sans que la TGC se substitue aux autres taxes, qu’elle était pourtant censée remplacer. Inquiétant. Pour autant le budget devrait être adopté par la majorité plateforme et indépendantistes. Certainement aussi, sans les voix des Républicains calédoniens.

Février : un ex-Premier ministre en observateur. – Président de la mission parlementaire sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls est attendu sur le territoire autour du 20 février. Désireux « de montrer, de la manière la plus constructive possible, la très forte considération du Parlement pour la question calédonienne », l’ancien Premier ministre de François Hollande, devenu « marcheur » du nouveau président de la République connaît le dossier. Si la Calédonie a traversé jusqu’ici la crise du nickel « sans trop de casse sociale sur l’emploi », c’est en partie grâce aux « prêts relais » qu’il a accordés aux trois usines métallurgiques, alors qu’il était aux manettes.

Plus ambigu qu’Édouard Philippe sur les questions institutionnelles, il ne pourra cependant qu’abonder dans le sens de l’actuel locataire de Matignon. Qui avait été clair devant les élus du Congrès le 2 novembre dernier : « l’accord politique » sur les listes électorales prime sur le droit ici comme à Paris et la question du référendum ne pourra qu’être « binaire ». Oui ou non à la France ; oui ou non à l’indépendance : c’est le sens de l’Accord de Nouméa, avait-il précisé, boulevard Vauban.

Mars : la question de la question. – Précisément, le libellé de la question qui sera posée aux Calédoniens lors du référendum devrait être tranchée lors du Comité des signataires qui se tiendrait à Paris dans la première semaine du mois de mars, dit-on du côté de Matignon. D’ici cette date, le Congrès devrait avoir « débroussaillé » le terrain et concocté une proposition de rédaction, s’était engagé le président du Congrès, Thierry Santa. Y parviendra-t-il ? Les indépendantistes semblent le penser. D’autres s’inquiètent des dérives « nationalistes » du pouvoir Gomès/Germain qui entraînent la plateforme vers des fonds plus vaseux, comme une forme d’indépendance- association qui ne dirait pas son nom.

Même si le haut-commissaire fait activement son travail d’anesthésie des médias et qu’il « ne se passe rien de grave » en Calédonie, chacun reconnaît que la tension augmente, relayée (amplifiée, diront certains) par les réseaux sociaux. Aussi, il y a fort à parier que la question du maintien de l’ordre (compétence régalienne) avant, pendant et après le référendum s’invite au Comité des signataires. Et que certains délégués calédoniens exigent de l’État une position ferme et non « à géométrie variable », comme ce fut le cas sous les gouvernements socialistes. Macron n’est pas Hollande, on l’a bien compris.

Mai : Emmanuel Macron. – La visite du chef de l’État dépendra bien évidemment du succès ou non du dernier Comité des signataires avant le référendum. Mais elle est toujours programmée sur l’agenda élyséen autour du 10 mai. Et comme le Président Macron n’est pas homme à se dédire, elle devrait marquer le début de la campagne référendaire. Pourrait-il s’éloigner du sillon creusé à son attention par son Premier ministre sur les questions institutionnelles calédoniennes ? Certains le craignent, certains l’espèrent. Mais il ne l’a jamais fait : c’est lui qui fixe la ligne directrice, celle empruntée en l’occurrence par Édouard Philippe l’an passé. Sa présence sur le territoire ne devrait qu’en renforcer le trait.

À moins qu’il n’aille jusqu’à afficher une préférence personnelle, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy. Mais il n’est pas dans son style de marquer une préférence que n’exige pas sa fonction présidentielle. Ni de droite, ni de gauche, il devrait forcément être, ni pour les indépendantistes, ni pour les non- indépendantistes. Sauf que la signature du contrat de renouvellement de la flotte sous-marine de nos voisins australiens par les arsenaux français, qualifié l’an dernier de « contrat du siècle », pourrait faire pencher sa balance élyséenne d’un côté…

Juin : renouvellement du bureau du Congrès. – A priori aucun changement de président de la première institution de l’Accord de Nouméa à attendre en cette année de référendum. Thierry Santa a fait la démonstration qu’il recherchait d’avantage le consensus que la prééminence de son propre camp. Ce qui va bien aux indépendantistes. Ce qui convient tout autant à la plateforme pilotée par Philippe Gomès et Calédonie ensemble et dont la majorité nécessite les voix indépendantistes au Congrès. Ce qui ravit aussi Pierre Frogier, qui voit en Thierry Santa un dauphin, certainement capable de tirer sa liste aux provinciales de 2019. Eh oui, tout le monde y pense.

Juillet : le mois promis pour la TGC. – La TGC devrait entrer en vigueur au 1er juillet et sa « marche » cesser d’être à blanc, dit la loi adoptée par l’ensemble des élus du Congrès. Est-ce possible et tenable ? Le calendrier commence à se serrer, comme si l’exécutif cherchait à différer la mise en place de la réforme fiscale. La loi du pays sur le remboursement des taxes présentes dans les stocks des entreprises n’a toujours pas été présentée au gouvernement. Elle devait l’être avant la fin de l’année dernière.

Le circuit qu’emprunte une loi du pays (gouvernement, Cese, Conseil d’État, retour au gouvernement, puis vote au Congrès) met en effet cinq mois minimum. Trop court pour précéder la mise en place de la TGC, comme ce devait être le cas ! Ce qui fait s’interroger Harold Martin au nom des Républicains calédoniens, lors de la séance des questions au gouvernement de mercredi : « Nous sommes plusieurs à penser depuis longtemps, que pour vous le meilleur moment de mettre en place la TGC sera finalement, jamais ». Réponse à suivre.

M.Sp.

©DNC, AFP