Le système électrique à l’aube d’une ère nouvelle

Enercal, la société gestionnaire du système électrique calédonien, a présenté mardi le bilan 2016. Une année charnière pour la production électrique après l’adoption du schéma pour la transition énergétique par le Congrès en juin.

Comme chaque année, le principal producteur, transporteur et distributeur d’électricité calédonien a présenté le bilan du système électrique de l’année précédente. L’occasion de dresser le portrait d’un système qui s’apprête à connaître une véritable révolution. L’adoption du schéma pour la transition énergétique va littéralement secouer le petit monde des producteurs d’énergie en Nouvelle-Calédonie. Après avoir vivoté pendant quelques années, les pouvoirs publics leur ont donné de nouveaux horizons leur permettant de planifier leur développement pour les années à venir (lire notre rubrique environnement). L’arrivée de ces nouveaux projets aura d’importantes conséquences sur le réseau que gère Enercal. Un réseau à très haute tension qui fait désormais tout le tour du territoire permettant précisément le montage de projets au plus près des centres de consommation et le premier d’entre eux reste bien évidemment le sud de la Grande Terre qui concentre près de 80 % de la consommation totale d’électricité.

Pas de baisse de la consommation par foyer

Sur la question des tarifs pour les particuliers, Jean-Michel Deveza, le directeur général d’Enercal, assure qu’ils sont loin d’être les plus élevés au monde comme le veut la croyance populaire. Les 32 francs calédoniens du kilowattheure sont en effet bien loin des 95 francs de Wallis-et-Futuna. D’ici 2020, ce tarif exorbitant sera ramené au niveau de la métropole, soit environ 19 francs du kilowattheure. Toujours à titre de comparaison, la Polynésie a un tarif de 33 francs, un peu en dessous de ceux de l’Allemagne et du Danemark qui facturent 35 et 36 francs. Sauf que les tarifs de ces deux pays européens comprennent une taxe de 30 % pour financer le développement du renouvelable et la sortie du nucléaire, ce qui n’est pas vraiment le cas de la Nouvelle-Calédonie où les pouvoirs publics doivent chaque année donner une rallonge à Enercal pour équilibrer ses comptes.

Si l’on n’a effectivement pas l’électricité la plus chère au monde, elle fait bien partie du haut du panier. Mais Enercal rappelle que le tarif n’a pas bougé depuis 2008. La question se pose pourtant si l’on regarde l’évolution de la consommation des particuliers. Depuis plusieurs années, les collectivités et les producteurs d’énergie mènent des campagnes de communication visant à réduire les consommations. Si la Direction de l’industrie, des mines et de l’énergie (Dimenc) et Enercal préfèrent ne pas parler d’échec, force est de constater que la consommation annuelle par foyer n’a pas bougé (*).

C’est là que le levier du tarif pourrait avoir un intérêt et notamment la création de tarifs différentiés en fonction des horaires, voire une augmentation. Comme le souligne Jean- Gabriel Faget, le chef du service transport et distribution d’Enercal, le tarif a plus ou moins le même impact que sur le tabac. De petites augmentations n’ont pas d’effet sur la consommation. Seul un choc peut avoir un impact notable.

Un risque d’augmentation des coûts

Lorsque l’on regarde la structure de la distribution publique, la réduction de la consommation est un enjeu non négligeable vis-à-vis du projet de centrale qui remplacera celle de Doniambo. Cette centrale au gaz sera portée, à terme, par l’Agence calédonienne de l’énergie. Une agence financée par de l’argent public qui détiendra la majorité du capital de la centrale. Le risque de dérapage des coûts de l’électricité sera donc largement porté par le public. Un risque bien réel puisque dans la zone Asie-Pacifique, le prix du gaz est adossé à celui du pétrole. Si les prix sont à un niveau relativement faible, rendant intéressant le projet, il se pourrait très bien qu’il remonte. Le seul hic, c’est que la centrale de Doniambo n’est utilisée dans la distribution publique qu’en complément lors de pics de consommation et en été, lorsque la consommation est à son plus haut niveau.

Si l’idée d’une centrale publique peut paraître séduisante, dans le sens où il peut sembler normal de maîtriser un outil au service de la population, ce n’est pas véritablement le cas puisque les kilowatts produits serviront presque essentiellement au fonctionnement de l’usine. La solution retenue revient donc à faire assumer par la collectivité l’investissement et une grande partie des risques pour un projet bénéficiant à une entreprise privée. On peut toutefois estimer que cette nouvelle centrale remplacera progressivement les kilowattheures produits par la centrale au fuel de Népoui qui fêtera bientôt ses 25 ans.

M.D.

(*) Enercal précise qu’en matière de réduction de la consommation, elle insiste sur son action auprès des entreprises. Elle a notamment passé six conventions en 2016 avec des sociétés afin de les aider à réduire leurs consommations. La Dimenc indique pour sa part travailler sur des réglementations en matière d’étiquetage et de performance énergétiques dans la construction.


Le barrage de la Ouinné dans les tuyaux

En matière de projections, Enercal estime que la Nouvelle-Calédonie aura passé un cap en matière d’énergie renouvelable d’ici 2025. La programmation pluriannuelle des investissements prévoit qu’en 2020, la distribution publique sera couverte par des énergies renouvelables à hauteur de 24 %. En 2025, cette couverture sera de 70 % principalement grâce au projet de barrage prévu sur la Ouinné, sur la côte Oubliée. Des budgets pour financer les études ont été prévus dans les contrats de développement et des réunions d’information ont d’ores et déjà été organisées et notamment à la tribu d’Unia. Une réponse devra être donnée d’ici mi- 2018 pour une fin de chantier estimée entre 2022 et 2023. D’ici là, il faudra répondre à trois questions principales selon le directeur général d’Enercal. Savoir si le projet est techniquement faisable, s’il tient économiquement la route et s’il est acceptable du point de vue environnemental et coutumier.